Les États-Unis fragilisés par une fuite de documents classifiés

La Maison Blanche a sous-entendu que les notes secrètes, diffusées sur Internet, étaient authentiques.

 Le Monde   – La visite officielle de Joe Biden en Irlande du Nord puis en Irlande, débutée mardi 11 avril, était attendue depuis longtemps. Pour le président américain, catholique aux racines irlandaises profondes, ce devait être une séquence politique empreinte d’émotion. La voilà fortement perturbée par la fuite de dizaines de documents confidentiels du Pentagone, identifiés il y a quelques jours sur plusieurs messageries et réseaux sociaux. L’affaire est d’autant plus grave qu’elle ne semble pas circonscrite. Les autorités américaines sont avares d’explications sur l’enquête officielle diligentée par le ministère de la justice. L’absence de toute conférence de presse dans le programme de Joe Biden pourrait s’expliquer en partie par cette crise.

 

Lundi, après quatre jours de silence tout à fait inhabituels au regard des normes américaines, John Kirby a été le premier responsable à se présenter devant les caméras, à la Maison Blanche. Le porte-parole du Conseil de sécurité nationale n’a pas confirmé la véracité des documents, mais il l’a sous-entendu par cette remarque : « Il n’y a aucune excuse à ce que de tels documents se retrouvent dans le domaine public. (…) Ils méritent d’être protégés. » Selon John Kirby, « il apparaît qu’au moins dans certains cas » les documents publiés ont été altérés par rapport à ceux d’origine. C’est notamment vrai, semble-t-il, pour certains rapports destinés à Mark Milley, le chef d’état-major des armées, consacrés à la situation militaire dans l’est de l’Ukraine, qui mentionnent des chiffres d’effectifs et de pertes des deux côtés probablement inexacts.

Le porte-parole a confirmé plusieurs points importants. Joe Biden a été informé de la fuite « la semaine passée » seulement. Pendant plusieurs semaines, les documents se trouvaient donc éparpillés, en ligne, notamment sur une plate-forme de dialogue pour amateurs de jeux vidéo, sans que les autorités américaines ne l’aient remarqué. Selon John Kirby, l’enquête confiée à la police fédérale, le FBI, n’a pas permis à ce stade d’identifier le ou les responsable(s) de la fuite. « On ne sait vraiment pas », a reconnu le porte-parole, si d’autres documents pourraient surgir. « Nous soulèverons chaque pierre pour découvrir la source et l’étendue de tout cela », a promis le secrétaire à la défense, Lloyd Austin.

Vulnérabilité grave

La presse américaine, New York Times et Washington Post en tête, a publié de nombreux articles sur ces notes. Les aspects les plus délicats de ces révélations ne concernent pas directement l’Ukraine et les préparatifs pour une prochaine contre-attaque militaire contre les forces russes. Le pessimisme des autorités américaines sur les gains territoriaux possibles pour Kiev n’est guère étonnant : il répond à celui de nombreux experts. Les documents confirment le grave problème d’approvisionnement ukrainien en munitions, notamment pour la défense antiaérienne, qui pourrait offrir une supériorité importante à l’aviation russe.

En revanche, cette fuite présente un double embarras pour Washington. Elle révèle une vulnérabilité grave en matière de documents confidentiels, d’autant que les autorités n’auraient découvert leur publication sur la plate-forme Discord qu’à l’occasion du premier article du New York Times, le 6 avril. En situation de crise, le pire est l’incertitude. Or, l’administration ne semble pas en mesure de cerner le nombre de documents compromis. D’autre part, cette fuite place l’administration Biden face aux limites et aux ambiguïtés des relations qu’elle entretient avec certains Etats dits partenaires ou alliés. Ces derniers jours, le département d’Etat a multiplié les appels pour essayer de limiter les dégâts, notamment avec Kiev.

Les deux pays les plus proches, mis en difficulté, sont Israël et la Corée du Sud. Dans le premier cas, une note a évoqué curieusement le soutien du service de renseignement extérieur, le Mossad, au mouvement de protestation contre les projets législatifs de la coalition, dominée par les nationalistes et les ultrareligieux. « Faux et infondé », a réagi le bureau du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou.

Des mots presque identiques ont été employés par Séoul, où l’on dissimule à grand-peine sa contrariété. Selon un document nécessitant, comme les autres, la plus grande prudence, de hauts responsables coréens formulaient des réserves, derrière portes closes, au sujet de la livraison aux Etats-Unis d’obus d’artillerie. Washington en a fait la demande fin 2022, afin de regarnir ses réserves, mais Séoul craint que ces munitions ne parviennent directement en Ukraine, en violation de sa propre législation.

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Source : Le Monde 

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