Inkyfada – En 2020, le photographe Chedly Ben Ibrahim commence la série photographique sur l’histoire de Blanche-Neige, une jeune femme ivoirienne qui travaille comme domestique au sein d’une famille tunisienne. Espérant de meilleures perspectives en Tunisie, elle se retrouve malheureusement exploitée. Son passeport est confisqué, elle est enfermée et n’a d’autre choix que de travailler, espérant un jour pouvoir récupérer ses papiers et sa liberté.
Pendant la crise du Covid-19, Chedly immortalise son quotidien. Cette série photographique et l’histoire de Blanche-Neige l’inspirent. Cette dernière incarne la situation de nombreuses personnes subsahariennes en Tunisie, qui vivent pour beaucoup une précarité économique et administrative. Mais cela ne les empêche pas de s’installer, travailler et tout simplement habiter la ville. Le quartier Bhar Lazreg est ainsi connu pour abriter de nombreuses personnes subsahariennes. Au fil des rencontres, des chantiers aux marchés, Chedly tente de photographier leur routine.
Mais d’un coup, une autre crise survient. Après des semaines de sorties médiatiques et de discours haineux en ligne, le discours raciste atteint les plus hauts sommets de l’Etat. Le 21 février 2023, le président Kaïs Saied publie un communiqué qui reprend la théorie du grand remplacement et cible directement les personnes subsahariennes, les désignant comme des hordes visant à envahir le pays.
Les conséquences sont immédiates. Les cas d’expulsions, d’arrestations et d’agressions explosent. La peur au ventre, de nombreux Subsaharien·nes se terrent chez eux, de peur d’être pris·es pour cible. Beaucoup ferment la porte à l’appareil photo de Chedly. Les rues, et notamment celles de Bhar Lazreg, se vident. “Il n’y a pas un Noir dans la rue !”, s’exclame un jeune homme ivoirien en riant légèrement. A la place, les militant·es du Parti nationaliste tunisien cherche à recruter des soutiens, pour encourager leur campagne contre “la colonisation des Subsahariens en Tunisie”, entamée depuis plusieurs mois.
En face, des réseaux de solidarité, mis en place par des citoyen·nes, tentent tant bien que mal de répondre à la crise. Les téléphones véhiculent sans cesse des messages de détresse. Devant l’OIM et le HCR, ils et elles sont des dizaines à s’être réunis pour protester, exigeant d’être rapatrié·es ou au moins protégé·es. Nombreux·ses dorment dehors.
Dans cette série photographique, Chedly raconte un fragile quotidien qui bascule. Depuis les photos de Blanche-Neige en 2020 aux événements survenus au cours de ces dernières semaines, il capture diverses réalités qui témoignent de la vulnérabilité de ces personnes en Tunisie et des conséquences des discours de haine. Près d’un mois après le communiqué du président, les agressions et expulsions semblent diminuer. Mais la précarité subsiste sans que rien ne soit fait du côté de l’Etat ou des institutions internationales.
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Source : Inkyfada (Tunisie) – Le 23 mars 2023
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