Wagner coûte une fortune aux États africains

Le Mali et la Centrafrique s’endettent pour payer les mercenaires russes et doivent offrir leurs ressources minières. Le Burkina Faso pourrait suivre.

Deutsche Welle – Dix millions de dollars par mois. L’équivalent d’un peu plus de neuf millions d’euros, soit six milliards de francs CFA : voilà ce que représente la facture du groupe de mercenaires Wagner au Mali.

 

La somme a été évoquée pour la première fois, en septembre 2021, par l’agence Reuters, puis confirmée par le général américain Stephen Townsend, commandant d’Africom, le commandement des Etats-Unis pour l’Afrique, établi en Allemagne.

Ce montant est d’ailleurs reconnu hors-micro par les autorités qui refusent pourtant toujours d’admettre que les mercenaires russes sont sur leur territoire, préférant parler « d’instructeurs”.

Cette somme de neuf millions d’euros sert à payer la solde de 1.000 à 1.400 mercenaires. Soit un salaire mensuel de 7.000 à 9.000 euros par homme.

Sur l’année, cela représente plus de cent millions d’euros, soit deux fois le budget du ministère de la Justice et près de la moitié de celui de la Santé, selon les chiffres du Budget 2023

publiés par le ministère malien des Finances.

C’est sans doute pour ces raisons que le président algérien, Abdelmajid Tebboune, a déclaré, fin décembre 2022, sans ménagement, que l’argent investi par la junte au Mali pour s’offrir les services des mercenaires du groupe russe Wagner serait « plus utile s’il allait dans le développement au Sahel ».

 

Mais une fuite récente a relancé les discussions sur cette somme. Erreur involontaire ou non, le ministère malien des Finances a publié ce qui semble bien être la facture de Wagner pour l’Etat malien.

 

Paiements dissimulés

 

Dans un « rapport sur la situation d’exécution provisoire du budget d’Etat”

, en date du 30 juin 2022, une hausse importante des sommes allouées apparait dans le budget de l’Agence nationale de la sécurité d’Etat (ANSE), les services de renseignements maliens, placée sous l’autorité directe du président de la transition, le colonel Assimi Goïta.

Sous la ligne « autorisations d’engagement”, qui indique le maximum des dépenses publiques prévues durant une période définie, le budget rectifié de l’ANSE voit son enveloppe bondir de deux milliards à… 71,5 milliards de francs CFA.

Soit une hausse qui correspond à peu de choses près à six milliards de francs CFA par mois, ou neuf millions d’euros : le budget réclamé par le groupe Wagner aux militaires maliens.

Etait-ce une manière de dissimuler des versements ? Personne ne peut l’affirmer mais deux faits sont bien réels : les sommes concordent et cette augmentation a été par la suite effacée car elle n’apparait plus dans le budget 2023 de l’Etat malien.

Que Wagner fait de bonnes affaires en Afrique n’est un secret pour personne  : en République centrafricaine ou au Soudan, les hommes de Evguéni Prigojine se font grassement payer et puisque le budget de ces Etats ne suffit pas à honorer leurs tarifs, ils ont mis la main sur un certain nombre de mines d’or.

Car Wagner aime l’or et ce n’est pas un hasard si la plupart de ses interventions se font dans des pays richement dotés de ce minerai.

Pourtant, au Mali, les choses ne se passent pas aussi bien pour le groupe de mercenaires. En effet, si celui-ci gagne beaucoup d’argent en RCA et au Soudan, il semble que ce ne soit pas le cas au Mali.

La junte ne peut plus payer

Pourquoi cela ? Plusieurs raisons sont à analyser mais d’abord, il faut revenir aux origines de l’implantation de Wagner au Mali, en décembre 2021.

Le Center for Strategic and International Studies

(CSIS) a publié, en février 2022, une étude qui montre, avec des photos satellites, comment une base suspectée de Wagner (suspected Wagner group operating base) a été aménagée aux abords de l’aéroport de Bamako.

Cette photo satellite de l'aéroport de Bamako indique le lieu d'une base présumée de Wagner
Photo satellite de l’aéroport de BamakoImage : CSIS/High Resolution/Maxar 2021

Entre deux clichés satellites effectués le 24 septembre 2021 et le 14 décembre 2021, il apparait clairement qu’une base militaire a été construite sur cet emplacement.

« Le personnel et le matériel ont probablement été transportés à Bamako à bord d’avions militaires russes”, explique le CSIS.

Des données de suivi de vol ont en effet enregistré un avion Tupolev TU-154

de l’armée de l’air russe, arrivé à Bamako le 19 décembre 2021, après être parti de Moscou via la Syrie et la Libye.

Cet avion, immatriculé RA-85042, fait partie du 223e détachement du ministère russe de la Défense, « qui a déjà passé des contrats avec des entreprises liées à Wagner pour transporter des mercenaires dans des pays tels que le Soudan”, poursuit le CSIS.

Cette photo satellite des abords de l'aéroport de Bamako montre un périmètre vide avant l'installation présumée de Wagner
Photo satellite des abords de l’aéroport de Bamako avant l’installation présumée de WagnerImage : CSIS/High Resolution/Maxar 2021
Cette photo satellite des abords de l'aéroport de Bamako montre le même périmètre mais cette fois après l'installation présumée de Wagner
Photo satellite des abords de l’aéroport de Bamako après l’installation présumée de Wagner

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Jean-Michel Bos

 

 

 

Source : Deutsche Welle (Allemagne) – Le 18 mars 2023

 

 

 

 

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