– En 2022, le monde du cinéma fêtait le grand retour des Oscars. Pour la première fois depuis la pandémie, le gala se déroulait en présentiel, au Dolby Theatre de Los Angeles. Hollywood espérait endiguer le déclin. Alors que se tient, dimanche 12 mars, la 95e remise des prix de l’Académie des arts et des sciences du cinéma, l’industrie du divertissement est obligée d’en prendre acte : le temps d’avant ne reviendra pas.
Trois ans après le début de la crise sanitaire, il se confirme que l’industrie cinématographique est durablement transformée. Certes, l’année 2023 commence bien aux Etats-Unis : 958,50 millions de dollars (904,40 millions d’euros) de recettes au box-office depuis janvier : 50 % de plus qu’en 2022 à la même période. Mais c’est encore 25 % de moins qu’en 2019, selon la plate-forme de mesure d’audience Comscore. Et, pour l’année 2022, la vente de tickets (7,50 milliards de dollars sur le marché domestique) a montré une chute des recettes de 34 % par rapport à 2019.
La situation de l’industrie est contrastée avec une production qui se porte bien. Rarement a-t-on vu autant de sorties de films, en particulier en 2022. Mais la majorité des productions sont essentiellement destinées au marché du streaming. La plate-forme Netflix, pour ne citer qu’elle, a produit une quarantaine de films en 2022. Les préférences des consommateurs ont changé. Même pour voir un film pour la première fois, une majorité d’entre eux privilégient maintenant le cinéma à la maison. Parmi les milléniaux, le budget des sorties a fait place aux investissements dans les home theaters : écrans géants, captations stéréophoniques avec moult haut-parleurs incrustés dans le plafond. Plutôt que de sortir, les jeunes aiment à recevoir pour des movie nights dans leurs salons aux canapés modulables.
Symbole quasi miraculeux
Les narrations dramatiques, les comédies, les films d’auteur n’attirent pas ce public au-delà de la semaine de leur sortie. Ces œuvres sont de plus en plus rapidement transférées sur le marché des vidéos à la demande, quand elles n’y font pas directement leur sortie. Les spectateurs ne se déplacent plus que pour certaines catégories de longs-métrages : les films d’horreur, les blockbusters, les films de super-héros déclinés dans le temps (dits « tent-pole movies » parce qu’un univers de produits associés s’abrite sous l’œuvre principale).
Exemple : Avatar. La voie de l’eau. Depuis sa sortie, le 16 décembre, le film de James Cameron a engrangé 670 millions de dollars sur le marché nord-américain, et 2,2 milliards sur le marché mondial, ce qui en fait la troisième performance de tous les temps. La version numérique sort le 28 mars.
Et surtout, le Top Gun. Maverick de Joseph Kosinski. Sorti le 27 mai, le film produit et joué par Tom Cruise est devenu le symbole quasi miraculeux du renouveau espéré. Sur le marché intérieur, la suite du Top Gun de 1986 a généré 718,70 millions de dollars, ce qui en a fait le plus gros succès de 2022, et 1,5 milliard de dollars à l’international. A la demande de Tom Cruise, Paramount n’a pas mis tout de suite le film sur sa filiale de streaming Paramount +. Au lieu des quarante-cinq jours habituels de délai, le studio l’a maintenu exclusivement en salle pendant quatre-vingt-dix jours.
La ruée du public dans les salles a fait de Tom Cruise le nouveau héros de Hollywood. Son « sauveur », s’est enflammé Steven Spielberg le 13 février, en marge du dîner donné à Beverly Hills par l’Académie des arts du cinéma en l’honneur des 186 nommés aux Oscars 2023. Saisi par la caméra de Kartiki Gonsalves – la réalisatrice du documentaire The Elephant Whisperers, l’échange entre Stephen Spielberg et Tom Cruise, réputés en froid depuis des années, est devenu viral. Non seulement le réalisateur de The Fabelmans remercie Tom Cruise pour avoir « sauvé la peau de Hollywood » (« Hollywood’s ass » en version originale), mais pour avoir même « sauvé peut-être toute l’industrie du cinéma ».
Un modèle économique différent
Deux légendes, de bords politiquement opposés, sont pour une fois tombées d’accord, a noté le critique Eric Kohn dans IndieWire. Mais dans une approche très « vieille école » : la conviction que seuls les blockbusters auréolés de publicités sont en mesure de « sauver » le septième art. C’est méconnaître, selon lui, le nouveau paysage, celui des films surgis en marge des circuits traditionnels, comme Everything Everywhere All at Once, le récit farfelu du combat d’une immigrée sino-américaine pour remplir sa déclaration d’impôts dans « l’alpha-verse » – un ovni cinématographique de plus de deux heures, en lice pour 11 Oscars.
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