Au Sénégal, l’enseignement en langues locales pour lutter contre l’échec scolaire

Un programme de tutorat mise sur le wolof, le pulaar et le sérère pour améliorer le niveau des écoliers en lecture et en mathématiques.

Le Monde  – Alors que les cours sont terminés depuis 15 heures, Ndeye Penda Soumaré, enseignante à l’école élémentaire Guedel-Mbodji de Kaolack, à 180 km au sud-est de Dakar, commence une leçon de mathématiques devant une classe réduite. Elle compte : « Juroom ñaar fukk, juroom ñaar fukk ak benn… » (soixante-dix, soixante-et-onze… », en wolof).

Exceptionnellement, les échanges entre la maîtresse et les élèves ne se font pas en français. Depuis décembre, deux classes de l’établissement ont rejoint le programme de tutorat « Ndaw Wune » (« pour chaque enfant », en wolof, et « que de succès ! », en pulaar), s’appuyant sur les langues locales pour combler les lacunes en lecture et en mathématiques d’élèves du primaire.

 

Au Sénégal, aucune des six langues principales (wolof, pulaar, sérère, diola, mandingue et soninké) n’est utilisée dans l’enseignement public. Plus de 90 % des enfants débutent leur scolarisation en français, une langue que beaucoup ne comprennent ni ne parlent, au point d’être un obstacle à l’apprentissage, parfois même un blocage.

« L’enfant perd tous ses acquis et prend du retard, ce qui explique en partie les nombreux échecs et décrochages scolaires », analyse Mbacké Diagne, inspecteur général de l’éducation nationale et de la formation, chargé des langues nationales au sein du ministère. Moins de 10 % des Sénégalais de 15 ans atteignent les niveaux de compétence minimum en lecture, en mathématiques et en sciences, selon le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA, 2017).

S’appuyant sur le fait que les enfants qui reçoivent un enseignement dans une langue qu’ils parlent à la maison ont 30 % de chance en plus de savoir lire à la fin de l’école primaire, l’ONG sénégalaise Associates in Research & Education for Development (ARED) a mis en place le programme « Ndaw Wune » à l’été 2021 pour lutter contre cette crise de l’éducation accentuée par le Covid-19. « L’apprentissage en langue maternelle permet d’acquérir plus facilement et mieux les bases », assure Mamadou Ly, son directeur.

ARED œuvre dans le domaine de la formation, de l’éducation et de l’édition en langues locales depuis 1991. Avec un budget de 600 000 dollars (environ 564 000 euros), le programme « Ndaw Wune » a été étendu depuis décembre à quatre régions du Sénégal (Kaolack, Saint-Louis, Diourbel et Matam) et touche 4 000 élèves de cours d’initiation (CI) et cours préparatoire (CP). Dispensé en trois langues (wolof, sérère et pulaar), ce tutorat s’étale sur une année scolaire, vacances scolaires incluses.

Une « béquille »

Trois fois par semaine, de 16 heures à 18 heures, des groupes de 20 élèves se réunissent en classe. Pour la lecture, un groupe en « apprentissage » travaille avec le tuteur, tandis que deux autres sont en « autonomie », réalisant des exercices sur un manuel en langues locales conçu par ARED. Le même principe s’applique pour les mathématiques, avec deux groupes par classe. « Le travail en autonomie et en petit groupe les aide à mieux comprendre, cela les responsabilise et favorise l’entraide », constate Fatou Gueye Niass, tutrice du programme « Ndaw Wune » à Kaolack.

Cette approche d’enseignement flexible vise à ce qu’en fin d’année, tous les élèves aient acquis les bases dans ces deux matières. Ils sont évalués mensuellement, et des progressions sont déjà notables : Fatou Niang, 12 ans, est ainsi passée de la 18e à la 8e place dans sa classe.

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(Dakar, correspondance)

Source : Le Monde

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