Cridem – La septième édition du Festival International Sooninke (FISO) se tiendra à Nouakchott en Mauritanie du 22 au 26 février 2023. C’est un évènement d’ampleur régionale voir internationale qui a pour ambition de rassembler la communauté de toute génération, de toute origine sociale et culturelle autour d’une programmation riche, fédératrice et de qualité.
Les sooninko (Sing : sooninke) sont un peuple présent en Afrique de l’Ouest sahélienne, établi principalement en Mauritanie, au Mali, au Sénégal, en Gambie, en Guinée Conakry et en Guinée-Bissau. Ils vivaient dans un Empire très riche : l’Empire de Wagadou, communément connu sous l’appellation empire du Ghana, et dont la capitale était Kumbi Saleh (Mauritanie).
Il est très important de noter que cet empire est l’un des premiers en Afrique qui a existé entre le IIIème et VIIIème siècle après Jésus Christ et doté d’une organisation socio-culturelle, économique et administrative performante pour son époque.
A l’instar des précédentes, cette septième édition 2023 réunira les sooninko « sooninko » du monde. Un évènementiel durant lequel, plusieurs sujets dans des domaines divers seront abordés par des conférenciers spécialisés dans leurs domaines de prédilection. Une attention particulière sera accordée à :
– La Réflexion sur l’écriture et le développement de la langue sooninke
– La recherche et le développement de la culture sooninke
– La mise en valeur du folklore sooninke
– L’exposition de l’artisanat sooninke sous toutes ses formes et particulièrement sur les activités créatrices innovatrices des femmes sooninko dans le domaine de la teinture, de la transformation des produits agricole etc.
Dans le cadre de cet heureux évènement de dimension internationale, j’ai voulu, à travers cette chronique, apporter en préambule, ma modeste contribution à l’édifice en rendant un hommage appuyé à toutes les femmes du monde et singulièrement aux femmes africaines connues pour leur bravoure, dont la femme sooninke en est la parfaite illustration. De par leurs créativités, leurs esprits d’entrepreneuriat et surtout leurs volontés d’indépendance financière et matérielle, elles occupent non seulement un rôle crucial dans le développement et la croissance économique de nos pays mais aussi constituent le principal pilier de la famille dans la société sooninke.
Le sujet étant très vaste et complexe, dans cet essai et de manière succincte, je parlerai des merveilles historiques qui caractérisent le travail et la créativité des femmes sooninko (fuutanka yaxaru), Kaédi-Dimbé et Gori dans la région du Gorgol tout en mettant l’accent sur l’origine de certaines pratiques culturelles, créativités artisanales et teinturières.
Je m’attèlerai sur le mariage dans son ensemble procédural que je considère comme l’exemple le plus illustratif des pratiques culturelles dans le milieu sooninke.
I. Le mariage en milieu sooninke
La société sooninke est traditionnellement une société conservatrice qui favorise le mariage endogamique. Ce type de mariage était souvent décidé, arrangé et imposé par les parents. Cette pratique était aussi fréquente dans les autres communautés environnantes. Avec le temps, l’ouverture des esprits vers l’extérieur, du moins dans les grandes villes, la pratique a tendance à s’estomper au profit des choix personnels des futurs candidats à l’union. Même dans ce libre choix de son futur partenaire, certaines conditions sociétales doivent être strictement respectées sous peine d’être marginalisé et/ou banni par la communauté. Toujours est-il que le cheminement procédural reste pratiquement inchangé.
Cette dynamique des postures des parents et protagonistes n’a guère impacté les rituels de procédure qui restent profondément ancrés dans les pratiques et riches en sens et en signification. Chaque rituel dans sa pratique met en valeur un aspect de consolidation des rapports et liens parentaux.
Traditionnellement, l’union maritale entre un jeune couple était initiée par leurs parents. En pratique, les parents se mettaient d’accord sur un choix et en informaient les concernés (futur jeune couple). Avec le changement des mentalités et/ou les mutations sociétales, la pratique s’est inversée au profit de jeunes couples. En effet, le jeune couple se rencontre d’abord, fait connaissance et décide de s’unir. Ensuite, les parents sont informés pour entamer la procédure qui est de leurs responsabilités et qui leurs viennent de droit et de devoir.
La démarche pour unir un jeune couple passe par plusieurs étapes :
1. Torubotaade.
Le torubotaade correspond à la démarche préliminaire pour annoncer les fiançailles. Généralement c’est la famille du fiancé (les parents ou tuteurs) qui va à la rencontre de celle de la fiancée pour demander sa main. Une fois la main de la fille est accordée, la famille du fiancé pause un geste symbolique qui consiste à remettre à la famille de la fiancée une enveloppe contenant une somme d’argent dont le montant est symbolique : c’est le torubotaade.
Explicitement, le torubotaade peut être défini comme une des symboliques des prescriptions rituelles du mariage coutumier qui, entre autres, fait foi à l’approbation des parents pour l’union conjugale en vue, et à la clé, l’officialisation ou ce qu’on peut aussi appeler les fiançailles. Cette première étape qui caractérise l’engagement à l’union maritale, riche de symbolique va mobiliser un certain nombre d’individus constituant un groupe féminin, des sœurs et cousines (guidanyaxaru) du fiancé pour apporter le torubotaade chez la fiancée. Cette rencontre constitue une formidable occasion pour les deux parties de faire plus d’amples connaissances et/ou de rapprochements. Autrement dit, pour certaine de voir et faire connaissance avec leur future belle-sœur et elle en retour, d’identifier également, les siennes afin de nouer les liens qui siéent.
Cette étape de Torubotaade est aujourd’hui dénuée d’une partie de son sens originel en raison de l’évolution des postures ci-haut souligné. En effet, cette étape était censée d’informer la fiancée elle-même de ces fiançailles avec un tel, fils d’un tel, à l’époque où c’étaient les parents qui mariaient les enfants. Maintenant que les fiancés sont acteurs des faits, l’aspect informatif de l’étape n’a plus lieu mais elle reste un rituel essentiel, le Torubotaade est la condition sine qua none pour l’officialisation de l’union.
Force est de constater que l’aspect procédural conventionnel du rituel de Torubotaade a radicalement changé avec l’avènement des Nouvelles Technologie de l’information et de la Communication en particulier les réseaux sociaux. En effet, avant le phénomène Whatsapp et autres technologies de communications, c’est exclusivement la maman de la fiancée qui avait l’entière responsabilité d’informer le cercle plus ou moins proche, les saaxanu (les mamans, traduction directe qui désigne le cercle restreint de la maman de fille) plus justement, dès que le torubotaade lui parvenait. Ainsi les parents du fiancé, eux aussi informent les leurs et demandent aux parents de la fiancée de fixer un jour pour le Tamma Ragaye (attachement, cérémonie religieuse).
Suggestion kassataya.com :
Chronique sur le Festival International Sooninke : Mariage en milieu sooninke (Partie 2)
Source : Cridem (Le 20 février 2023)
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com