Les secrets des embaumeurs de l’Egypte antique révélés

Une étude publiée dans la revue « Nature » a bénéficié de la découverte en 2016 d’un atelier des VIIᵉ et VIᵉ siècles avant notre ère en activité à Saqqara, au sud du Caire.

Le Monde – Dans l’Egypte antique, mourir n’était qu’une étape. Cependant, pour accéder à la vie éternelle, mieux valait bien la franchir. Non seulement le mort voyait son âme jugée par les dieux, mais il fallait aussi que son enveloppe charnelle soit protégée de la décomposition et de la destruction, car les Egyptiens croyaient qu’un corps abîmé représentait un obstacle pour atteindre l’au-delà. D’où le recours, pour ceux qui en avaient les moyens, à l’art sophistiqué des embaumeurs et à leurs baumes, huiles et autres onguents, dont les ingrédients restaient jusqu’à aujourd’hui encore mal connus.

 

Le secret se dissipe grâce à une étude internationale publiée mercredi 1er février dans la revue Nature, qui met à la fois en lumière les recettes de « cuisine » des thanatopracteurs antiques et les circuits commerciaux par lesquels ils se procuraient les produits, parfois très exotiques, qu’ils utilisaient pour empêcher les ravages de la mort.

Il fallait dix semaines pour réaliser la momification. Accompagné d’actes rituels, ce procédé consistait à dessécher le cadavre à l’aide de natron (un carbonate de sodium naturel), à l’éviscérer, à en retirer le cerveau en passant par le nez, à traiter la peau grâce à différentes mixtures, puis à l’emmailloter dans des bandelettes elles aussi enduites de substances. Le tout, couplé au climat extrêmement sec de l’Egypte qui favorise la préservation des corps, empêchait la putréfaction.

 

Pour percer à jour les recettes chimiques utilisées par les préparateurs antiques, les auteurs de l’étude de Nature ont bénéficié de la découverte, en 2016, d’un exceptionnel atelier d’embaumeur, en activité aux VIIe et VIe siècles avant notre ère sur la grande nécropole de Saqqara (région de Memphis, au sud du Caire).

Pourquoi exceptionnel ? D’une part parce que cet atelier, en partie souterrain, était lié à un cimetière creusé à 30 mètres de profondeur, et surtout parce que, dans une cache, ont été retrouvés les récipients dont se servaient les embaumeurs, qui comportaient à la fois des inscriptions sur les substances et des instructions pour leur usage – par exemple « mettre sur la tête ». Les scientifiques ont sélectionné une trentaine de ces poteries, essentiellement des gobelets et des bols dont l’« étiquette » était la plus lisible.

 

Analyse des substances retrouvées

 

Chargé de cours au département de préhistoire et d’archéoscience de l’université de Tübingen (Allemagne), Maxime Rageot est le premier auteur de l’article. Il a expliqué au Monde que, hormis quelques coulures, les résidus des mixtures employées par les embaumeurs « n’étaient généralement pas visibles à l’œil nu mais (…) étaient piégés dans la matrice argileuse des poteries. On a donc abrasé la surface de ces céramiques pour récupérer les substances et les analyser ». Le chercheur français souligne « l’incroyable préservation de ces produits à travers le temps, ce qui permet de détecter des molécules très volatiles provenant d’huiles essentielles et d’aller très loin dans l’identification des matières premières ».

 

Vases de l’atelier d’embaumement de Saqqara (Egypte) découvert en 2016.

 

Premier constat : « Presque toutes les substances utilisées ont des propriétés antibactériennes, antifongiques et odoriférantes », résume Maxime Rageot. Rien d’étonnant car l’embaumement avait pour objectif de bloquer le processus de putréfaction et aussi de réduire les odeurs issues de la dépouille.

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Pierre Barthélémy

Source : Le Monde (Le 01 février 2023)
 
 

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