Sahara occidental : au Front Polisario, la pression monte pour « intensifier la guerre » contre le Maroc

Deux ans après la rupture du cessez-le-feu avec Rabat, Brahim Ghali a été réélu à la tête du mouvement indépendantiste lors de son seizième congrès, qui s’est tenu en Algérie.

Le Monde  – Treillis, lunettes aux verres fumés et moustache blanche, le chef du Front Polisario lève le poing. « Le peuple sahraoui ne relâchera pas la lutte, quoi qu’il arrive, jusqu’à ce qu’il obtienne sa libération de l’occupation marocaine », lance Brahim Ghali, 73 ans, aux quelque 2 300 représentants sahraouis et 300 invités algériens, cubains, sud-africains ou espagnols venus soutenir leur cause lors du seizième congrès du Front Polisario, qui s’est ouvert le 13 janvier – le premier depuis qu’a été rompu, en novembre 2020, le cessez-le-feu en vigueur depuis 1991 avec le Maroc.

Applaudissements et youyous fusent dans l’enceinte militarisée implantée aux abords du camp de réfugiés de Dakhla, baptisé ainsi en souvenir de la ville côtière du Sahara occidental. C’est dans ce bidonville du désert, situé à 179 kilomètres au sud-est de Tindouf, en Algérie, au cœur de la hamada – ce désert de cailloux et de sable où les températures dépassent les 50 °C en été et descendent sous la barre de 0 °C durant les nuits d’hiver –, que Brahim Ghali a été réélu au poste de secrétaire général du Front Polisario et président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), vendredi 20 janvier, avec 69 % des voix.

Le vote a été marqué par des tensions internes inhabituelles au sein du mouvement indépendantiste soutenu par l’Algérie. Le leader du Polisario a dû répondre en séance plénière à près de 190 questions sur sa gestion politique et militaire, de la part de congressistes sahraouis venus des camps de réfugiés, du Sahara occidental et des délégations de la RASD à l’étranger.

Il a également fait face à la candidature alternative inattendue du dirigeant historique Bachir Mustapha Sayed, 68 ans, ancien ministre sahraoui des affaires étrangères, critique de l’exercice trop solitaire du pouvoir exercé par Brahim Ghali et d’un retour aux armes mal géré.

 

Une guérilla de basse intensité

 

Dans un contexte de frustration grandissante de la population, l’unité affichée depuis cinquante ans par le Polisario se fissure-t-elle ? Le mot d’ordre du congrès – « Intensifier la guerre » – trahit en tous les cas l’impatience des Sahraouis de donner un nouvel élan à un conflit qui dure depuis quarante-sept ans et a pris, depuis deux ans, la forme d’une guérilla de basse intensité ignorée par le Maroc et dont ils ne perçoivent aucun fruit.

 

 

« Il existe une pression énorme pour intensifier les combats et revenir à nos méthodes de lutte antérieures, entre 1986 et 1989, quand nous avons livré des batailles qui ont donné de grands résultats en matière de récupération d’armement et de capture de prisonniers. Notre jeunesse et notre armée en particulier l’exigent », explique Brahim Ghali au Monde et à trois autres médias européens, le 16 janvier, entre deux interventions à huis clos devant le congrès.

« Si le Maroc veut négocier, nous tiendrons le stylo d’une main et une arme de l’autre », affirme Luali Dah, 40 ans

« L’inaction de la communauté internationale nous condamne à une mort lente et nous préférons mourir avec dignité », assure Luali Dah. Ce secrétaire du Polisario et soldat de 40 ans fait partie de la soixantaine de manifestants qui, en octobre et novembre 2020, ont bloqué durant plus de vingt jours le passage frontalier de Guerguerat, entre le Sahara occidental et la Mauritanie, construit par le Maroc dans une zone tampon. L’intervention des unités militaires marocaines pour les déloger a été considérée par le Polisario comme une rupture du cessez-le-feu de la part de Rabat. « C’était notre objectif, reconnaît Luali Dah. Et maintenant, nous ne commettrons pas la même erreur qu’en 1991 : si le Maroc veut négocier, nous tiendrons le stylo d’une main et une arme de l’autre. »

Trente ans ont passé depuis l’accord de paix entre Rabat et le Front Polisario et, la même année, les résolutions des Nations unies (ONU) prévoyant l’organisation rapide d’un référendum d’autodétermination au Sahara occidental, dernier territoire africain inscrit sur sa liste des « territoires non autonomes ». Vingt ans depuis la dernière tentative sérieuse de l’ONU de résoudre le conflit, avec le plan Baker II de 2003, rejeté par le Maroc. Quinze ans depuis la proposition de Rabat, en 2007, d’une autonomie sous souveraineté marocaine, inacceptable pour le Polisario. Entre-temps, beaucoup de jeunes ont émigré. Ceux restés dans les camps de Tindouf voient dans la reprise des combats le dernier espoir de mettre fin à un exode qui dure depuis quarante-sept ans.

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Source : Le Monde
 
 

 

 

 

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