La mort de Frene Ginwala, figure historique de la lutte contre l’apartheid

Cette juriste issue d’une famille d’origine indienne avait été choisie par Nelson Mandela pour diriger le premier Parlement de l’Afrique du Sud démocratique.

Le Monde  – Le plus grand rôle de sa vie, Frene Ginwala n’en voulait pas. Après quatre décennies à lutter contre le régime raciste de l’apartheid au sein du Congrès national africain (ANC), cette juriste d’origine indienne devient, en 1994, la première femme présidente du parlement sud-africain dans un pays qui découvre la démocratie.

Elle se serait bien imaginée simple députée. Mais Nelson Mandela, qui voit en elle la candidate idéale pour guider les parlementaires novices, ne lui laisse guère le choix, après avoir convaincu les poids lourds de son parti de la soutenir.

Après le décès de Frene Ginwala, le 12 janvier, à 90 ans, le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, a regretté la disparition « d’un autre géant » parmi les leaders de la lutte de libération de l’Afrique du Sud. Née en 1932 à Johannesburg au sein d’une famille aisée d’origine indienne installée en Afrique du Sud depuis la fin du XIXe siècle, Frene Ginwala est confrontée très jeune aux injustices.

« Savoir pourquoi »

Sous domination des descendants de colons britanniques, l’Union sud-africaine pratique déjà la ségrégation, qui deviendra systématique sous le régime de l’apartheid, après la victoire du parti nationaliste afrikaner aux élections de 1948. « Je voulais faire du manège, mais on n’avait pas le droit. J’étais une enfant curieuse, j’ai toujours voulu savoir pourquoi », confie-t-elle dans une série de portraits consacrée aux figures marquantes de l’Afrique du Sud. Quelques années plus tard, elle ira ainsi demander des comptes au principal d’une école réservée aux Blancs dans laquelle elle ne peut être admise.

Dans les années 1950, la jeune fille de bonne famille décroche son diplôme de droit à Londres. Elle aurait pu poursuivre sa carrière à l’étranger ou rejoindre ses parents, qui s’installent au Mozambique. Mais Frene Ginwala retourne en Afrique du Sud, où elle jouit d’à peine plus de droits que les Africains, conformément à la hiérarchie raciale dictée par les nationalistes afrikaners. Elle rejoint alors le Congrès national africain. Le mouvement s’ouvre tout juste aux femmes mais leur réserve encore, généralement, des rôles subalternes. A l’inverse, Frene Ginwala va rapidement devenir une figure de poids.

En 1960, la jeune intellectuelle fuit le pays après le massacre de Sharpeville, au cours duquel des centaines de noirs manifestant contre les lois qui interdisent à la population de se déplacer librement sont tués par les forces de l’ordre. L’ANC est interdit dans la foulée. Ses membres sont contraints à la clandestinité ou l’exil.

Une grande voix de l’ANC

Installée dans ce qui deviendra la Tanzanie, Frene Ginwala, qui dispose de solides contacts en Afrique australe et en Afrique de l’Est, est chargée de superviser l’exfiltration des grands noms du mouvement. Devenue journaliste, elle crée un mensuel, puis prend la tête du quotidien tanzanien The Standard, à la demande du président Julius Nyerere. En parallèle, elle contribue à divers journaux britanniques. Dans les années 1970 et 1980, elle est l’une des grandes voix de l’ANC à l’étranger, et notamment au Royaume-Uni, où elle devient porte-parole du mouvement.

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Source : Le Monde

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