« Qatargate » : la présidente du Parlement européen veut interdire les activités de lobbying aux eurodéputés à l’issue de leur mandat

L’enquête de la justice belge continue d’établir les responsabilités dans le scandale de corruption. Après le Qatar et le Maroc, la Mauritanie paraît avoir été impliquée.

Le Monde  – Un mois après les premières révélations sur le « Qatargate », ce scandale de corruption dont il s’est avéré depuis qu’il impliquait aussi le Maroc, Roberta Metsola, la présidente du Parlement européen, a présenté aux présidents des groupes politiques de l’assemblée ses pistes de réforme, jeudi 12 janvier. Alors que les élections européennes sont prévues en 2024, la Maltaise, issue des rangs du Parti populaire européen (PPE, conservateur), veut aller vite et espère qu’une première série de mesures entrera en vigueur d’ici à un mois.

Son plan tient en quatorze points qui ont pour objectif de mieux lutter contre les conflits d’intérêts et d’empêcher autant que possible les ingérences d’Etats tiers, comme la Chine, la Russie ou le Qatar. Entre autres, Mme Metsola souhaite que les eurodéputés déclarent de manière systématique les emplois qu’ils occupent en dehors de leur mandat législatif. Une fois qu’ils quittent le Parlement, ils ne devraient pas pouvoir exercer de mission de lobbying durant une période qui reste à déterminer. « Ce sera l’un des points les plus durs dans la négociation », confie la présidente.

Elle milite également pour que les sept cent cinq élus et leurs assistants parlementaires publient tous leurs rendez-vous, dès lors qu’ils portent sur un texte législatif. Aujourd’hui, seuls les présidents de commission et les rapporteurs y sont tenus, et cette obligation ne concerne pas leurs rencontres avec des représentants de pays tiers. Mme Metsola prône, par ailleurs, la suppression des groupes d’amitié entre l’Union européenne (UE) et des pays tiers. Ils existent en dehors de tout cadre et ne font l’objet d’aucun contrôle.

« Il n’y aura aucune impunité »

Dans l’immédiat, la présidente compte appliquer les règles actuelles, dont la mise en œuvre, comme l’a révélé le « Qatargate », reste aléatoire. Ainsi, alors que les eurodéputés sont tenus de déclarer des voyages non payés par le Parlement dans des pays non communautaires, ils ne le font pas systématiquement.

Le dernier exemple connu est celui de la députée socialiste belge Marie Arena, qui s’est rendue au Qatar en mai 2022 pour un séminaire intitulé « L’Europe et les droits humains », aux frais du gouvernement de Doha, mais a omis de le signaler. Elle encourt une amende ou une suspension de son mandat. Jusqu’ici, le Parlement européen n’a presque jamais sanctionné ce type de manquement. « Il n’y aura aucune impunité », a répété Mme Metsola – c’est la présidence qui décide des sanctions – en décembre. Le cas de Mme Arena devrait être réglé en février.

 

Pour l’heure, les propositions de la responsable maltaise, dont certaines restent volontairement vagues, font consensus, même si les Verts, la gauche radicale (GUE) et les libéraux de Renew jugent qu’elles ne vont pas assez loin. Dès qu’il s’agira de les préciser, les débats seront plus vifs. « Aujourd’hui, elles suscitent une grande unanimité, mais les résistances d’hier ne vont pas disparaître », affirme Philippe Lamberts, le coprésident des Verts. Dans le passé, le PPE a toujours empêché toute réforme en profondeur.

700 000 euros en espèces au domicile de Pier Antonio Panzeri

Sur le plan judiciaire, l’enquête menée par le juge bruxellois Michel Claise se poursuit et permet de dresser un panorama plus clair – il est encore incomplet, mais d’autres développements sont prévisibles – quant au rôle des divers protagonistes du scandale. Le principal acteur en a bien été Pier Antonio Panzeri. Les preuves contre le sexagénaire, ex-eurodéputé socialiste italien, ont été rassemblées, dès le printemps 2022, quand une discrète intrusion d’agents secrets belges dans son appartement de Schaerbeek a révélé la présence de 700 000 euros en espèces. La sûreté de l’Etat avait été alertée par des services étrangers de la probable implication de l’Italien dans des tentatives du Maroc d’influer sur les décisions du Parlement.

 

Pier Antonio Panzeri a quitté l’assemblée en 2019, mais il y avait conservé beaucoup d’influence. Auparavant, il présidait la délégation pour les relations avec le Maghreb et coprésidait la commission mixte UE-Maroc avec Abderrahim Atmoun, un diplomate aujourd’hui en poste à Varsovie, devenu l’un de ses proches et qui était le pourvoyeur de fonds présumé de l’opération d’ingérence.

M. Panzeri avait été surveillé de près et placé sur écoute, dès juillet 2022, permettant aux policiers de recueillir des éléments contribuant à élargir leur enquête à « une dizaine d’individus », selon la presse belge. Les enquêteurs allaient aussi confirmer leurs soupçons quant au rôle de M. Panzeri dans l’amélioration de l’image d’un autre Etat, le Qatar, consistant notamment à contrer les critiques à l’égard de Doha. Francesco Giorgi, l’ex-assistant de M. Panzeri, a, selon Le Soir, précisé lors de ses interrogatoires que cette « collaboration » – elle avait démarré en 2019 –, s’était traduite notamment par la création de l’ONG Fight Impunity, financée par le ministre qatari du travail, Ali Ben Samikh Al-Marri.

La Mauritanie aussi ?

Outre M. Panzeri, l’eurodéputée grecque Eva Kaili, son compagnon Francesco Giorgi et Niccolo Figa-Talamanca, secrétaire général de l’ONG No Peace Without Justice, sont aujourd’hui sous les verrous. Des procédures de levée d’immunité sont, par ailleurs, engagées contre le député italien Andrea Cozzolino, successeur de M. Panzeri à la tête des instances « Maghreb » et « UE-Maroc », et son collègue belge Marc Tarabella, auteur inattendu, en novembre 2022, d’un discours favorable au Qatar et à sa Coupe du monde de football lors d’une réunion de la sous-commission des droits de l’homme.

De 2017 à 2019, M. Panzeri a présidé cette commission et c’est Maria Arena, une autre de ses proches, qui lui a succédé. Elle a annoncé, mercredi 11 janvier, qu’elle renonçait à cette présidence, s’estimant victime d’« attaques politico-médiatiques » et affirmant qu’elle n’avait rien à se reprocher. M. Giorgi, qui n’a pas démenti devant le juge Claise avoir été le gestionnaire de l’argent pour l’organisation criminelle mise au jour, a livré un autre élément aux policiers : la Mauritanie se serait, elle aussi, adjoint les services de M. Panzeri.

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Source : Le Monde 

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