Le Monde – Kyle Walker est l’espoir de tout un peuple. A 32 ans, il est arrière droit de profession, ce qui ne prédispose pas à un destin de héros. A moins de s’appeler Lilian Thuram. Comme le Français avant son doublé tombé du ciel contre la Croatie, lors de la demi-finale de 1998, Walker ne marque jamais (aucun but en 72 sélections). Le latéral a passé une partie de son séjour qatari à soigner une blessure à l’aine mais aussi à prendre soin de Dave, prénom qu’il a donné à un chat errant venu chercher amitié et nourriture auprès des Anglais dans leur camp de base d’Al-Wakrah.
Mais, avant d’adopter et de ramener Dave au pays comme il l’envisage, le joueur de Manchester City a une autre mission : arrêter Kylian Mbappé. Des trois spécialistes à son poste emmenés au Qatar par le sélectionneur, Gareth Southgate, Kyle Walker n’a ni les qualités de contre-attaque de Trent Alexander-Arnold, ni le pied droit agile de Kieran Trippier. Mais ce fils d’un père jamaïcain a pour lui une qualité essentielle dans la perspective du quart de finale contre la France, samedi 10 décembre, et sa flèche en attaque : il court vite, très vite. Contre le Sénégal (3-0), le Mancunien a été flashé sur une action à 37 km/h, contre 36 km/h pour Mbappé quelques heures plus tôt face aux Polonais.
Personne ne le découvre, mais la vitesse est une qualité indispensable lorsque le meilleur buteur de cette Coupe du monde a prévu de passer sa soirée dans votre couloir. Quand le Polonais Arkadiusz Milik est interrogé avant les huitièmes de finale sur la meilleure façon de défendre sur Mbappé, l’ancien attaquant de Marseille évoque la piste du « scooter pour le rattraper ». Une idée à creuser auprès de la Fédération internationale de football (FIFA), si jamais elle autorise un jour les deux-roues motorisés.
« Sur le terrain, il m’a brûlé les jambes »
Avec Kylian Mbappé, le monde a peur. Peur de cette vitesse, peur de sa capacité à aller aussi vite avec ou sans le ballon, et toujours associé à une technique superlative et à des dribbles déroutants. Demandez plutôt à Matty Cash. Enfant du Berkshire, mais polonais de sélection grâce à sa mère, le défenseur d’Aston Villa a donné le parfait tutoriel du « presque parfait latéral droit chargé de défendre sur un phénomène nommé Kylian Mbappé » après la défaite des siens contre les Bleus, dimanche (3-1).
Professionnel, Matty Cash avait pourtant préparé son affaire et étudié avec minutie le jeu du Français. Mais entre la théorie et la pratique… « J’ai regardé des vidéos de lui, allongé dans mon lit, mais sur le terrain il m’a brûlé les jambes », s’en amusait-il aux micros des journalistes britanniques après la rencontre. Pourtant, l’Anglo-Polonais ne semble pas rouler au diesel sur un terrain et a livré une prestation honorable malgré le doublé de son adversaire du soir. De quoi inquiéter Jamie Carragher. « Ce qui fait peur, c’est que Matty Cash s’en est bien sorti contre Mbappé », résume sur Twitter l’ancien défenseur de Liverpool, devenu un consultant respecté outre-Manche.
Si Cash voit Mbappé « devenir facilement le meilleur joueur du monde, car il a absolument tout », il est persuadé que Walker est « tout aussi rapide que lui » et que le latéral est « l’homme de la situation ». Il n’est pas le seul à le penser. Gary Lineker aussi. Meilleur buteur du Mondial 1986 avec l’Angleterre, le très populaire animateur de la BBC a même défendu l’idée de laisser le natif de Sheffield au repos contre le Sénégal dans la perspective de ce futur duel à haute vitesse. « Pourquoi faire jouer Kyle Walker alors qu’il est le seul arrière latéral de la planète capable de suivre Kylian Mbappé ? Surtout dans un domaine où nous sommes bénis et où nous pourrions faire jouer Kieran Trippier ou Trent Alexander-Arnold. »
Le retour au marquage individuel ?
Dans un passé récent, le défenseur de Manchester City s’en est plutôt bien sorti lors de ses rendez-vous européens avec les Citizens face au Paris-Saint-Germain (PSG). Mais le Mbappé version Mondial 2022 n’est pas un simple sprinteur à crampons. Son champ des possibles est plus vaste : le natif de Paris a même inscrit un but de la tête (contre l’Australie), événement aussi rare qu’une journée pluvieuse à Doha.
Kylian Mbappé inscrit son second but contre la Pologne en huitièmes de finale de la Coupe du monde, le 4 décembre 2022, à Doha.
Il sait aussi refroidir son garde du corps sans forcément le déborder. Le Polonais Cash l’a expérimenté à deux reprises, impuissant à lire les changements de rythme brutaux du numéro 10 des Bleus. « Quand il a le ballon, qu’il s’arrête puis qu’il repart, c’est la chose la plus rapide que j’ai jamais vue. Quand il te fixe et qu’il démarre, il baisse ses épaules, d’abord avec des petites foulées puis des grandes foulées, c’est impressionnant », décrit-il.
Kylian Mbappé serait-il à lui seul une raison pour réhabiliter le bon vieux marquage individuel cher à Guy Roux ? Mais il est assez peu probable que Gareth Southgate demande conseil à l’ancien entraîneur d’Auxerre sur le sujet.
Le sélectionneur des Three Lions connaît les limites d’un « marquage à la culotte » et la concentration exigée pour surveiller un attaquant comme le lait sur le feu pendant quatre-vingt-dix minutes ou plus si affinités. La défaite contre la Suisse à l’Euro 2021 plaide en ce sens. Lors de ce huitième de finale de triste mémoire pour lui, à Bucarest, Mbappé n’avait pas seulement raté le tir au but fatidique pour les Bleus, il avait été muselé par la doublette helvète Elvedi-Wilmer et sevré de ballons exploitables en raison de la pression mise par la Nati sur les passeurs français. Bref, un travail d’équipe.
Source : Le Monde
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