Fouta – Pratique culturelle des peuls : «Thiaynogol» ou l’enlèvement des épouses et fiancées

Le Quotidien – Depuis le mois d’août, les cérémonies de mariages dans les communautés bergères au Fouta ne se comptent plus. Des cérémonies rehaussées par des après-midi de «diaro» (courses de moutons accompagnées d’acrobaties dirigées par les bergers) et des soirées musicales.

Mais dans la communauté bergère, le «Thiaynogol» (le fait d’envoyer ses camarades enlever sa nouvelle épouse ou sa fiancée à l’insu des parents de cette dernière) résiste encore. De moins en moins en vogue, le «Thiaynogol» ou «saynadé» (plus usité) reste une pratique que les jeunes bergers se plaisent à faire contrairement aux mères des jeunes filles foncièrement opposées au procédé.

Nous sommes vendredi. Il est 18 heures passées de 23mn. Une voiture s’arrête à l’entrée du hameau Gourel Singué à quelques mètres du village de Lougué. Un homme en descend puis fait appeler une fille. Une fois devant la voiture, la fille est forcée à monter et la voiture démarre sur les chapeaux de roues. Elle roule à vive allure laissant derrière elle un hameau en panique.

Avec le calme et la sérénité du père de la fille, les populations ont fini de se rendre compte que la fille a été enlevée sur instruction de son mari pour rejoindre le foyer conjugal sans les festivités de mariage : une pratique coutumière appelée Thiaynagol. Habituellement, elle se fait avec la complicité d’un membre de la famille. Il y a quelques décennies encore, dès les premiers instants de l’enlèvement de la fille, les populations auraient compris de quoi il s’agit, mais la raréfaction du Thiaynogol fait qu’il faut désormais un moment aux familles pour arriver à la bonne conclusion. Entretemps, le hameau et le village voisin, croyant à un enlèvement, avaient déjà tenté d’informer les éléments de la Brigade de gendarmerie de Pété.

Dans cette aventure, c’est un jeune époux, impatient de démarrer sa vie conjugale après une longue période de fiançailles ou de célébration du mariage religieux, qui en fait état à ses amis. Et les plus courageux et méticuleux dans le groupe d’âge sont choisis pour la mission secrète du Thiay­nogol, en clair, emmener la nouvelle épouse à leur ami à l’insu des parents de celle-ci. Autrefois, comme dans les groupes d’âge, les jeunes bergers rivalisaient aussi sur le cheval le mieux nourri et le plus rapide. Deux ou trois charrettes avec des cavaliers de renommée du groupe étaient alors choisies pour mener la mission et ramener avec eux la nouvelle épouse.

Même si la pratique devient de plus en plus rare, ces dernières années, un autre moyen de transport est utilisé pour la réussite de l’acte, la voiture. Que ce soit une fille fiancée ou une fille mariée religieusement, le commando en mission a les mêmes pratiques pour la récupération de la fille mais, selon la situation matrimoniale de la fille, la destination diffère.

 

Des fortunes et des destinations diverses

Récupérée par les camarades de son mari ou futur mari, la jeune fille jetée sur une charrette ou une voiture, n’a pas la même destination selon la situation. La pratique se faisant d’habitude, l’après-midi, les jeunes hommes annoncent le retour et la réussite de leur mission par des cris et des jubilés. Si la jeune fille est déjà mariée religieusement, elle est directement convoyée au domicile conjugal.

Les parents, dispensés malgré eux de festivités pour le mariage de leur fille à cause de cette récupération inopportune de celle-ci, arrivent alors à son domicile conjugal et commence alors les festivités qui vont durer deux à trois jours. Silèye Sy, un griot témoin de plusieurs arrivées de charrettes transportant des jeunes filles qui ont subi le Thiayno­gol, informe que «pour une fille mariée religieusement, quand les camarades de son mari réussissent à l’emmener à son domicile conjugal, c’est l’apothéose dans tout le hameau. C’est à partir de cette soirée que la fête commence. La réussite des camarades en mission pour cueillir la nouvelle mariée sonne comme une victoire de tout un groupe d’âge».

Sans langue de bois, Mbourel, une femme d’un âge un peu avancé, explique que plusieurs femmes dans le hameau sont arrivées par le Thiaynogol et ont même des petits fils aujourd’hui. Elle poursuit : «Je sais que la pratique plaît aux jeunes garçons mais elle ne déplait pas aux jeunes filles.» Et tout en souriant, elle déclare que les jeunes filles ont tellement hâte d’être aux côtés de leur mari. «Je me demande dans certains cas si elles ne sont pas complices de leur mari et leurs ravisseurs», se demande-t-elle.

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Demba NIANG

Correspondant

Source : Le Quotidien (Sénégal)

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