Courrier international – El Hadj [titre honorifique donné à un musulman qui a accompli le hadj, le pèlerinage à La Mecque] Salifou Ouédraogo est un agriculteur exploitant près de 100 hectares de baobabs au Burkina Faso. À 79 ans, celui qui rêvait de devenir un cheik [titre honorifique souvent utilisé pour désigner des enseignants religieux] musulman a réussi le pari de planter plus de 35 000 pieds de l’Adansonia digitata, cet arbre majestueux d’Afrique au cœur de nombreux mythes et légendes.
Aujourd’hui, la vie de cet homme rompu à la culture du baobab – il en recueille, trie et plante les graines – est bien singulière.
Des débuts difficiles
Son histoire débute en 1968, lorsqu’il s’installe à Siguinonguin, dans les Banwa [province dans l’ouest du Burkina Faso, à la frontière malienne] et plante trois baobabs pour “la sauce de la famille”. [Si racines et fruits sont consommés, les feuilles, fraîches ou séchées, constituent également un mets à part entière et servent notamment à réaliser des sauces au Burkina Faso].
Auparavant, chez lui, à Titao, son choix d’exploiter un verger de manguiers a tourné court. “Toutes mes mangues ont pourri lors de ma troisième saison de récolte. Je n’ai pu en vendre que pour 3 000 francs CFA [4,50 euros]”, relate-t-il.
Cette mauvaise expérience en mémoire, il décide de changer de fusil d’épaule et se résout à planter des baobabs. “Je suis retourné chez moi, à Titao, chercher des graines de baobab pour en faire une pépinière. C’est comme cela que l’activité est partie”, explique le sexagénaire. Il a entretenu ses plantes et, l’appétit venant en mangeant, aujourd’hui, il approvisionne de nombreuses personnes en graines et plants de baobab au Burkina Faso, au Mali, en Côte d’Ivoire et au Sénégal.
Pourtant ses débuts ont été difficiles. Les villageois se moquaient de lui. “Certains sont venus me dire d’arrêter de planter les baobabs car, selon la tradition, celui qui plante un baobab meurt. Je leur ai dit que mon père n’avait pas planté de baobab, mais qu’il est mort. Si le baobab reste vivant et que je meurs, ce n’est pas un problème”, relate-t-il.
L’arbre fournit aliments et médicaments à sa communauté
Comme il a persisté, il a été traité de fou, ce qui l’a davantage motivé. “Depuis 1968, cela fait cinquante-quatre ans que je plante des baobabs par milliers chaque année, et je vis toujours. Certains de ceux qui n’ont pas planté de baobab et qui me mettaient en garde m’ont déjà devancé dans l’au-delà”, relève-t-il. Le vieil El Hadj a même transmis le “virus du baobab” à ses enfants, à qui il a enseigné comment trouver les graines, les semer et prendre soin des plantes.
Sur l’ensemble des sites d’exploitation dont il dispose dans la Boucle du Mouhoun et dans le Sud-Ouest, Salifou Ouédraogo dit réaliser trois récoltes par an. Il commercialise aussi des pieds de baobab, dont le prix varie entre 2 000 et 5 000 francs CFA [3 à 7,60 euros].
À défaut d’être devenu le cheik dont il rêvait, le vieux Salifou est tout de même convaincu de faire œuvre utile. Déjà, ses baobabs fournissent aliments et médicaments à sa communauté. Et d’un point de vue religieux, planter un baobab est important, notamment chez les musulmans [la tradition musulmane insiste sur l’importance de planter des arbres comme “bonne action”]. Alors, El Hadj Salifou Ouédraogo propose des graines de baobab à ceux qui sont influencés par ses idées.
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