COP27 : l’Afrique est le continent qui pollue le moins, mais celui qui trinque le plus

Slate  – La conférence des Nations unies sur le climat, qui s’ouvre en Égypte le 6 novembre, est l’occasion pour le continent de rappeler son faible poids dans les émissions de gaz à effet de serre et ses difficultés à se développer sans miser sur les énergies fossiles.

La 27e conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP27) débute ce dimanche 6 novembre à Charm el-Cheikh, en Égypte. Cette COP intervient précisément à un moment critique pour l’Afrique, continent le moins armé et le plus exposé au changement climatique, qui voit les catastrophes naturelles se multiplier.

Dix-neuf pays d’Afrique de l’Ouest au total sont concernés par les aléas climatiques. Ces derniers mois au Nigeria, des inondations historiques ont fait 600 morts et près de 1,3 million de déplacés. Scénario similaire au Tchad, où un état de catastrophe naturelle a été déclaré par le président de transition Mahamat Idriss Déby Itno, le 19 octobre. Environ un million de personnes sont touchées et 50.000 d’entre elles ont d’ores et déjà dû fuir leur domicile; les chutes d’eau engloutissent les champs et tuent le bétail, précipitant des populations déjà fragiles dans une situation de grande précarité. Certains iront sur les routes de la migration.

«Ces inondations agissent comme un multiplicateur de misère et c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase pour des communautés qui luttent déjà pour garder la tête hors de l’eau», alerte Chris Nikoi, directeur régional du Programme alimentaire mondial pour l’Afrique de l’Ouest. Dans le même temps, des cas de sécheresse extrêmes touchent le continent noir. C’est le cas au Maghreb, une région en plein stress hydrique, mais aussi dans la Corne de l’Afrique, qui vit sa cinquième année sans précipitations.

Résultat, la région est «au bord d’une catastrophe humanitaire sans précédent» s’alarme l’ONU. En s’accentuant, le nombre de déplacés met en effet la pression sur des États souvent dysfonctionnels, incapables d’assumer ce fardeau. Les ONG et agences onusiennes sont alors le dernier rempart pour acheminer de l’aide alimentaire. Mais leurs moyens ne sont pas illimités.

 

Un déséquilibre flagrant

 

Le continent africain est le moins résilient face au changement climatique, notamment en raison d’un faible niveau de préparation des États. Paradoxalement, il est pourtant aussi celui qui pollue le moins.

Abritant 17% de la population mondiale, le continent ne pèse en réalité que 3% des émissions de gaz à effet de serre. Un Américain moyen produit 14 tonnes de CO2 par an, contre 10 tonnes pour un Européen et moins d’une tonne pour un Africain. John Kerry, émissaire du président Joe Biden pour le climat, le rappelait d’ailleurs, lors d’un forum sur la lutte contre le réchauffement climatique: «Vingt États comptent pour 80% des émissions mondiales.»

 

C’est pourquoi la feuille de route ne peut être la même entre les États du Nord et ceux du Sud. «Le poids du changement climatique sur les économies du continent et les moyens de subsistance des Africains est disproportionnellement élevé en rapport à leur faible participation dans les émissions mondiales de carbone», observe notamment la Banque africaine de développement (BAD) dans son document sur les perspectives économiques en Afrique 2022.

 

La question des énergies fossiles

 

L’Afrique est prise en étau entre sa nécessaire industrialisation –600 millions d’Africains n’ont toujours pas accès à l’électricité– et les exigences internationales à satisfaire concernant la lutte contre le réchauffement. À l’approche de la COP27, alors que le continent pourrait se voir refuser un crédit-carbone suffisant à son développement et sa transition énergétique, certains États africains menacent ainsi de recourir aux investissements dans les énergies fossiles s’ils n’obtiennent pas de financements leur permettant de passer par d’autres voies, comme le solaire ou l’éolien.

 

Or, les énergies fossiles sont dans le viseur des instances internationales. En 2021, la BAD a modifié sa politique, afin d’exclure tout nouvel investissement dans le charbon. Quant aux grandes puissances comme la Chine et les États-Unis, elles ont multiplié les engagements pour décarboner leurs économies à horizon 2050-2060, mais demeurent toujours les plus gros pollueurs.

Les pays du G20 vont notamment arrêter de financer les énergies fossiles à l’étranger sans techniques de capture de carbone d’ici à la fin de l’année. L’objectif de la démarche étant de respecter les accords de Paris qui, en 2015, avaient fixé comme objectif de restreindre le réchauffement climatique en dessous de 1,5 °C, par rapport à l’ère pré-industrielle.

 

Développement ou énergies vertes?

 

Tout cela a le don d’en agacer certains, à l’instar du président en exercice de l’Union africaine et dirigeant sénégalais, Macky Sall, qui défend ses investissements nationaux dans le gaz, avec le projet Grand Tortue, et milite pour que l’on tienne compte des émissions passées.

«Oui pour l’énergie verte, mais avant l’énergie verte il y a une énergie de base sur laquelle l’Afrique doit se baser pour assurer son développement. On ne peut pas empêcher les pays africains de profiter de leurs ressources naturelles, présentes dans leur sous-sol, pour financer leur économie, la rendre plus compétitive», argumente-t-il. Un avis partagé par Félix Tshisekedi, président de la République démocratique du Congo et Nana Akufo-Addo, à la tête du Ghana.

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Pierre Coudurier — Édité par Natacha Zimmermann

Source : Slate (France)

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