Le Monde – Sous la menace de sanctions plus sévères, la junte au pouvoir en Guinée a accepté de rendre le pouvoir aux civils au bout de deux ans, au lieu de trois, a annoncé son chef, Mamadi Doumbouya. Une annonce confirmée par un document de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao).
« Dans un compromis dynamique, les experts de la Cédéao et de la Guinée ont conjointement développé un chronogramme [calendrier] consolidé de la transition étalé sur vingt-quatre mois », dit ce document transmis vendredi 21 octobre à un correspondant de l’Agence France-Presse et publié sur les réseaux sociaux par la junte.
Ce calendrier prendra effet à compter du 1er janvier 2023, a précisé M. Doumbouya au cours de la cérémonie de clôture de la mission technique de la Cédéao dépêchée à Conakry cette semaine, retransmise à la Radio-Télévision guinéenne (RTG).
Le calendrier devrait être présenté au prochain sommet de la Cédéao « pour son approbation afin de déclencher sa mise en œuvre », dit le document de l’organisation régionale. Un sommet ordinaire de la Cédéao est programmé avant la fin de l’année.
Le colonel Mamadi Doumbouya a pris le pouvoir par la force le 5 septembre 2021 en renversant avec ses hommes le président civil Alpha Condé. Il s’est fait investir président dans la foulée. Il s’est engagé à céder la place à des civils après des élections. La junte avait jusqu’alors affirmé son intention de gouverner pendant trois ans, le temps pour elle d’organiser des élections crédibles et de mener à bien d’importantes réformes nécessaires à ce qu’elle appelle une « refondation » de l’Etat guinéen.
Succession de coups de force en Afrique de l’Ouest
La Cédéao a considéré qu’un tel délai était inacceptable. Le 22 septembre, les dirigeants des Etats membres réunis en sommet à New York, sans la Guinée, avaient donné un mois aux autorités pour présenter un calendrier « raisonnable et acceptable », faute de quoi des « sanctions plus sévères » que celles déjà imposées seraient appliquées.
Les ponts n’ont cependant jamais été rompus et les autorités guinéennes ont répété être prêtes à coopérer avec la Cédéao, qui a dépêché cette semaine une mission à Conakry pour élaborer un échéancier de compromis. Le premier ministre guinéen, Bernard Goumou, avait déclaré jeudi que les autorités n’étaient « pas figées » sur les trois ans.
Plusieurs responsables ouest-africains avaient signalé qu’une période de deux ans serait acceptable. C’est sur une durée similaire que la Cédéao et la junte au pouvoir dans un pays voisin, le Mali, avaient fini par s’entendre après des mois de bras de fer et de sévères mesures de rétorsion régionales.
Aux termes d’un accord conclu cet été, les militaires maliens sont censés partir en mars 2024. Ils seraient alors restés en fait plus de trois ans et demi puisqu’ils ont renversé le président civil élu en août 2020.
Depuis plus de deux ans, la Cédéao a vu se succéder les coups de force militaires en Afrique de l’Ouest : deux fois en 2020 et 2021 au Mali, en 2021 en Guinée et deux fois en 2022 au Burkina Faso. Elle multiplie les sommets, les missions et les pressions pour abréger les périodes dites « de transition » et endiguer la contagion, mais est confrontée à des autorités qui n’entendent pas lâcher les commandes de sitôt.
Au moins quatre morts dans des manifestations
La Cédéao a suspendu la Guinée de ses instances. Le 22 septembre, elle a interrompu toute assistance et transaction financière avec le pays et annoncé contre un certain nombre de personnalités le gel de leurs avoirs financiers et une interdiction de voyager dans l’espace de la Cédéao.
Le compromis trouvé à Conakry a été marqué par un climat de confrontation entre la junte et l’opposition. Au moins quatre personnes ont été tuées, jeudi et vendredi, lors de manifestations contre la junte à l’appel d’un collectif citoyen qui réclame un retour rapide des civils au pouvoir et la libération de tous les prisonniers détenus selon lui pour des raisons politiques.