RFI – À Bruxelles, la patronne du restaurant sénégalais La Signare cultive un lien social avec sa clientèle, de même qu’avec son pays et l’Afrique. Son association fournit des protections hygiéniques aux détenues du Sénégal et soutient un orphelinat à Bissau.
Un alignement de banquettes rouges, une large terrasse en arrière-cour et l’inévitable mbalax en fond sonore… La Signare, un restaurant sénégalais ouvert en 2013 par Nancy Mbaye, alors qu’elle avait à peine 30 ans, est l’une des adresses les mieux connues de Matonge, le quartier africain de Bruxelles. La patronne, une belle femme indépendante et décidée, prête à tout résoudre avec le sourire, est une personnalité du Bruxelles afro. Elle fait régner une atmosphère des plus conviviales, attentive à une clientèle brassée, de toutes origines et classes sociales.
Dès le départ, elle voulait faire de la « gastronomie sociale », explique-t-elle. Elle avait enregistré le lieu au nom de son association, dénommée « Tampons pour toutes les femmes ». Le restaurant était surtout là pour financer les dons faits à des prisons au Sénégal, afin que les détenues aient accès aux protections hygiéniques qui leur manquent. « J’ai acheté 25 machines à coudre pour le Camp pénal, une prison du quartier de Liberté 6 à Dakar, raconte Nancy Mbaye. L’association livre des cartons de produits hygiéniques et des tissus pour que les femmes puissent fabriquer leurs propres serviettes lavables. »
Rencontre avec une prisonnière à Dakar
D’où lui est venue cette idée ? Nancy Mbaye explique tout d’abord avoir grandi “dans le social”. Elevée par ses grands-parents maternels à Dakar, et non par ses parents. « J’ai vécu comme une enfant très gâtée. Mon grand-père était douanier et ma grand-mère avait le cœur sur sa main. Elle partageait beaucoup, tout le temps. Continuer à le faire, c’est aussi une façon de réparer une souffrance en moi, de se battre pour survivre.”
Adolescente, elle rêve de devenir hôtesse de l’air, mais garde les pieds sur terre. À 13 ans, elle croise une femme incarcérée pendant des vacances chez son oncle, qui était directeur de prison. “Les prisonniers de bonne conduite venaient à la maison pour nettoyer. J’ai demandé à une dame comment elle faisait pendant ses règles, et elle ne m’a pas répondu. J’ai toujours en mémoire son regard, chargé de larmes”.
Sa première réaction consiste à agir. D’autant plus que dans le bureau de son oncle, elle observe depuis la fenêtre la cour de la prison, où les visages tristes des détenues lui fendent le cœur. « Je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose. J’ai commencé à donner des tampons et des serviettes, avec les petits billets de 1000 francs CFA que je pouvais recevoir. »
Un itinéraire européen, de Turin à Bruxelles
Après le lycée Blaise Diagne, elle fait un DTS de secrétariat, mais file en Italie en 2008, à 25 ans, où elle suit un amoureux. Elle consacre à sa cause, des protections pour les détenues au Sénégal, la majeure partie de son premier salaire, gagné grâce à de petits boulots en bord de mer. Son oncle, peu avant sa retraite, lui demande d’arrêter de lui envoyer de l’argent. Il ne pourra plus s’occuper d’acheter ces produits, et lui conseille de monter une structure.
D’où l’association, fondée en 2013. Entretemps, Nancy Mbaye a fait son chemin. Dans un train entre Turin et Milan, elle sympathise en 2009 avec une Belge établie en Italie, qui lui permet d’avoir des papiers en lui donnant un statut d’employée de maison. En 2011, elle passe par Paris, travaille dans un salon de coiffure quelques mois puis va faire une pause à Bruxelles chez un ami musicien. Elle y rencontre un Bruxellois, Olivier Case, qui deviendra son mari. Elle l’aide à gérer deux maisons d’hôtes, puis achète le fonds de commerce de La Signare.
Des dons de Bissau à Bruxelles
Depuis, elle rayonne, au fil de rencontres pour elles déterminantes. En Guinée-Bissau, elle collabore avec une ancienne Première dame, l’épouse de Malam Becaye Sagna, pour améliorer les conditions de vie dans un orphelinat. Depuis 2014, elle a contribué à l’installation de la lumière, au paiement du loyer et à l’achat de nourriture. « Ces dons, je les fais avec le cœur », dit-elle. À Bruxelles, elle envoie aussi des colis de nourriture à la prison de Forest, pendant le mois de ramadan. « Même au restaurant, j’ai l’écoute de mes clients, que je considère comme mes amis. Je reçois des informations et j’aide des familles qui ne sont pas forcément sénégalaises, mais aussi belges, françaises, italiennes… »
Source : RFI
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