Le Monde – Il fut un temps où le Ghana collectionnait les qualificatifs les plus flatteurs. On s’émerveillait des performances de ce pays d’Afrique de l’Ouest, stable, démocratique et champion, parmi d’autres, de la croissance sur le continent. Avec l’arrivée au pouvoir du président Nana Akufo-Addo, le 7 janvier 2017, l’économie s’était mise à caracoler à des taux de 6% à 8 % par an. Le chef de l’Etat faisait mouche en appelant à rompre avec « l’image de mendicité de l’Afrique ». Cet ancien avocat au visage rond et jovial affirmait pouvoir sevrer l’ancienne Gold Coast (« Côte d’or ») de l’aide internationale.
Las, l’irruption du Covid-19 a inauguré une ère de désillusions. La croissance a brutalement décéléré et l’argent levé sur les marchés s’est mis à coûter de plus en plus cher. Les difficultés se sont encore aggravées avec les répercussions du conflit russo-ukrainien sur les prix mondiaux de l’alimentation et de l’énergie. L’inflation s’envole, atteignant plus de 37 %, tandis que la monnaie dévisse à toute allure : le cedi a perdu plus de 40 % face au dollar depuis le début de l’année.
Surtout l’endettement, talon d’Achille de l’économie ghanéenne, est monté en flèche. Il représente aujourd’hui près de 80 % du produit intérieur brut. Un fardeau intenable qui a obligé le gouvernement d’Accra à rompre avec sa doctrine : trois ans après s’être affranchi de l’assistance fournie par le Fonds monétaire international, le voilà qui sollicite, pour la dix-septième fois depuis l’indépendance du pays en 1957, un nouveau plan d’aide auprès de l’institution. « Comme un chien vaincu au combat, la queue entre les pattes », résumait le média Joy dans une chronique au ton amer publiée le 5 octobre, à l’occasion d’une visite des équipes du Fonds.
La déconfiture ghanéenne désole autant qu’elle inquiète. D’abord parce que ce pays faisait jusqu’ici figure de modèle dans une région marquée par l’instabilité politique et les risques sécuritaires. Depuis l’instauration du multipartisme il y a trente ans, le Ghana a connu huit élections transparentes et trois alternances pacifiques. Mais la hausse vertigineuse des prix et les mesures prises pour renflouer tant bien que mal les caisses de l’Etat nourrissent le ressentiment vis-à-vis de la classe dirigeante. A mots couverts, certains observateurs redoutent de voir s’y développer un scénario sri-lankais.
Le prix fort
Le Ghana est cependant loin d’être seul à ne plus pouvoir boucler ses fins de mois : vingt-deux pays du continent sont surendettés, ou sur le point de basculer. Il faut dire qu’au cours de la pandémie, « l’aide accordée par les institutions multilatérales aux pays les plus pauvres sous la forme de l’initiative de suspension du service de la dette a été dérisoire face à l’ampleur du problème », indique la Banque mondiale dans un récent rapport.
Marie de Vergès
Source : Le Monde (Le 12 octobre 2022)
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