Coup d’État au Burkina Faso : “Ni Moscou ni Paris”, le salut viendra des États africains

Courrier international Après le coup d’État qui a secoué le Burkina Faso, ce média guinéen dresse un constat lapidaire : l’Afrique de l’Ouest souffre de ses armées, qui n’offrent que l’instabilité institutionnelle comme solution à l’instabilité sécuritaire. Pour lui, le salut des États africains dépend de la volonté des pays à protéger leurs populations.

D’août 2020 à ce début octobre, l’Afrique de l’Ouest aura enregistré un total de cinq coups d’État dont deux au Mali, deux au Burkina Faso et celui qui a renversé le président Alpha Condé en Guinée. Cinq putschs en seulement deux ans, il est vrai que ça a de quoi inquiéter.

Surtout que cela intervient dans un contexte de dégradation progressive du climat sécuritaire. Mais ce n’est peut-être pas cela le péril qui menace le plus cette région, jadis une référence sur le continent africain sur bien des plans.

Le fléau auquel il importe de mettre tout de suite fin, c’est cette tendance à légitimer trop facilement le phénomène renaissant des coups d’État, par le prétexte tout aussi simpliste de “l’échec des politiques”. Au point que désormais n’importe quel soldat se croit autorisé à renverser le pouvoir établi. Même le soldat le moins méritant.

Une forme d’arnaque

 

Pourtant, nos fameux militaires, plus prompts à déloger les présidents de leurs palais qu’à traquer l’ennemi qui harcèle et décapite femmes et enfants, ne sont pas moins responsables de la tragédie. Pire, ils ne sont pas plus inspirés pour aborder les défis qu’il convient de relever. Ils ne sont en réalité qu’une nouvelle forme d’arnaque dont les peuples vont sans doute faire les frais.

Le coup d’État qui, ce week-end, a eu raison du court règne du lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, au Burkina Faso, est en cela illustratif. En effet, que peut-on espérer d’un capitaine qui invoque la dégradation du climat sécuritaire pour justifier la prise du pouvoir, mais qui commence par confesser qu’il ne peut pas en venir à bout sans une aide extérieure ?

N’est-ce pas là en réalité le véritable problème ? Une Afrique qui est convaincue qu’elle ne peut pas y arriver par elle-même ? Une Afrique qui se conçoit comme une éternelle assistée ? Cette façon de penser est d’autant plus préoccupante qu’au sein de nos armées cela se traduit par des officiers qui s’embourgeoisent. Des soldats si habitués aux salles climatisées et aux fauteuils douillets qu’ils sont invisibles au front.

Hier encore [samedi 1er octobre], c’est sur eux que les présidents démocratiquement élus avaient compté pour faire face aux terroristes. Mais quand ils ont échoué à accomplir cette mission, ils en ont astucieusement fait porter la responsabilité aux seuls présidents, qu’ils ont renversés dans la foulée.

Agissant en politiciens déguisés, ils en ont profité pour instrumentaliser le désarroi et l’angoisse des populations pour asseoir leur légitimité. Mais aujourd’hui qu’ils sont eux-mêmes aux affaires, le mal demeure.

Alors, comme une proie traquée et surfant sans doute sur la tendance du moment, ils s’empressent de lancer un SOS en direction de la Russie, perçue comme le contrepoids à la France.

Qu’ils aillent au front

 

Qu’on ne s’y trompe guère ! La solution aux problèmes africains ne se trouve ni à Paris ni à Moscou. Et Vladimir Poutine ne se préoccupe pas davantage du continent africain qu’Emmanuel Macron. Les deux se servent surtout des Africains dans le cadre de la bataille qu’ils mènent l’un contre l’autre. Comme jadis du temps de la guerre froide, l’Afrique se déchire pour aller à l’un ou à l’autre.

C’est en cela que les militaires qui se disent révolutionnaires tout en reproduisant cette logique binaire sclérosée, nous devons nous en méfier. Les tâches étant bien partagées, les soldats doivent s’évertuer à nous restituer l’intégrité de nos territoires sans cesse rognés. Qu’ils sortent des palais et désertent les villes grouillantes. Qu’ils aillent au front, qu’ils affrontent le désert et se mesurent aux djihadistes. Qu’ils nous débarrassent de cette menace rampante et qu’ils nous restituent l’ambiance festive de nos villages. Qu’ils garantissent à nos paysans les conditions de la reprise de leurs activités agricoles. Qu’ils rassurent nos éleveurs, qui ne savent plus où amener paître leurs troupeaux.

Voilà ce qu’on attend de nos soldats. Tout le reste ne relève que d’une manipulation qui n’honore aucun d’entre eux. Surtout pas cette fâcheuse tendance à sous-traiter un secteur aussi stratégique que celui de la sécurité à de potentiels rivaux.

 

Le Djely (Conakry)

Source : Courrier international 

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