Sénégal : pour Aminata Touré, l’élection d’Amadou Mame Diop au perchoir est une «injustice»

RFI« Ayons le courage de dire  »non » quand c’est la préférence familiale qui passe avant le mérite. » L’ex-Première ministre du Sénégal ne mâche pas ses mots, au lendemain de l’élection d’Amadou Mame Diop à la présidence de l’Assemblée nationale.

L’élection d’Amadou Mame Diop, de la coalition au pouvoir, au poste de président de l’Assemblée nationale, ce lundi 12 septembre, s’est déroulée de façon houleuse, à Dakar. L’opposition avait boycotté le vote, après une rentrée parlementaire qui a tourné à la foire d’empoigne.

« Je serai le président de tous les députés », a affirmé en soirée Amadou Mame Diop, tout juste élu au perchoir, avec une voix calme, malgré le pugilat dans l’Hémicycle. « Vous n’êtes pas notre président ! », a de son côté lancé un membre de l’opposition.

La candidature de ce député-maire a été une surprise. Notre correspondante à Dakar, Charlotte Idrac, explique que personne n’avait prédit ce choix du président Macky Sall, avant l’annonce de son nom dans la matinée de lundi.

Natif de Saint-Louis, pharmacien de profession, Amadou Mame Diop a rejoint l’APR, le parti présidentiel, dès sa création en 2008. Élu député en 2012 sur la liste départementale de la majorité à Dagana, il prend la mairie de Richard-Toll en 2014, avant d’être réélu à l’Assemblée en 2017.

Il présidait depuis 2020 la Commission de comptabilité et de contrôle. Il avait également été nommé, en avril 2021, à la tête de la SAPCO, la Société d’aménagement et de promotion des côtes et zones touristiques du Sénégal.

« C’est un élu local, sans envergure nationale », raille un observateur de la vie politique. Amadou Mame Diop est en tout cas devenu le deuxième personnage de l’État. Réputé serein, le nouveau président de l’Assemblée aura besoin de flegme pour superviser les débats, qui s’annoncent mouvementés.

« J’estime que le critère de sélection n’était pas objectif »

Dans la majorité, d’autres personnalités étaient pressenties pour le perchoir, notamment Aminata Touré. L’ancienne Première ministre avait conduit la liste nationale de la coalition Benno Bokk Yaakaar pour les législatives. Prévenue par un appel téléphonique du chef de l’État lundi matin, la députée, en fin de journée avant le vote pour le poste de président de l’Assemblée, s’est levée et a quitté l’Hémicycle avant le scrutin.

« Mimi » Touré parle d’une « injustice », et d’un choix basé sur « les liens familiaux » d’Amadou Mame Diop avec le couple présidentiel.

Je n’ai pas participé au vote par principe. J’estime que le critère de sélection du candidat de Benno n’était pas objectif, c’était plus un critère familial que relevant du mérite militant. J’aurais pu me satisfaire d’un arrangement politique, d’un strapontin bien payé, mais non. Donc, il faut aussi que nos organisations fonctionnent de manière rationnelle, que le mérite revienne comme critère de sélection, parce que tout le monde n’a pas le bras long, tout le monde n’est pas le cousin ou l’arrière-cousine du président de la République. Je n’ai rien contre le monsieur a priori, mais commençons par avoir le courage aussi de dire non, quand c’est la préférence familiale qui passe avant le mérite, c’est tout. Et ça, c’est également, en fait, en direction des femmes. Souvent, on pense que c’est comme à la maison : on fait le ménage, etc., et c’est gratuit ; on est là pour servir les autres et puis après, vous retournez d’où vous venez. Vous dirigez la liste, vous gagnez, mais bon, il faut que ce soit un homme qui vienne s’assoir. Non ! C’est quand même 5 175 kilomètres, l’actuel président de l’Assemblée nationale, il ne l’a pas fait.

Aminata Touré, ancienne Première ministre du Sénégal

« Je considère qu’il n’a pas été juste, ça, c’est clair »

Pour Aminata Touré, il s’agit en fait d’un nouveau coup dur, après des hauts et des bas politiques, et notamment son remplacement par Idrissa Seck à la tête du Conseil économique, social et environnemental, en 2020. Mais l’ancienne Première ministre reste membre de la coalition Benno Bokk Yaakaar, rappelle-t-elle à RFI : « Je reste députée de Benno ! La loi stipule bien clairement que quand vous démissionnez, vous perdez votre poste de député, ce que je ne compte pas faire. Je compte être parlementaire, c’est la seule fonction actuellement qui m’intéresse. »

Personnalité forte, « elle ne faisait pas l’unanimité » au sein de la coalition, avance de son côté l’un de ses membres. Est-ce qu’elle en veut au chef de l’État ? Aminata Touré :

Non ! Ce n’est pas une question personnelle, en fait. Je considère qu’il n’a pas été juste ; ça, c’est clair. Et je considère que les femmes doivent être mieux traitées. Je considère aussi que les considérations familiales n’ont pas beaucoup leur place dans l’espace public.

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Source : RFI  (Le 13 septembre 2022)

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