Au Sénégal, turbulences en vue pour la fin de mandat de Macky Sall

Alors que le chef de l’Etat n’a toujours pas précisé ses intentions pour l’élection de 2024, le pouvoir a conservé la présidence de l’Assemblée dans une ambiance tendue.

Le Monde  – Une députée qui arrache la perruque d’une autre au milieu d’un échange de coups ; Barthélémy Dias, maire de Dakar et candidat au perchoir, qui s’empare brutalement du micro d’un orateur dans un concert d’insultes ; Guy Marius Sagna, un autre opposant connu pour ses coups d’éclat, qui tente de s’emparer de l’urne recevant les votes pour l’élection du président de l’Assemblée nationale, avant de se faire empoigner par un escadron de gendarmerie déployé au sein même de l’hémicycle… La rentrée parlementaire au Sénégal, lundi 12 septembre, a très probablement donné le ton des dix-huit prochains mois qui attendent Macky Sall et son gouvernement.

 

Au cours de ses dix premières années de présidence, le chef de l’Etat avait pu diriger sans pression majeure, fort d’une écrasante majorité à l’Assemblée nationale (124 des 165 sièges dans la précédente), constituée pour bonne part de tous ceux qui l’ont progressivement rallié depuis son élection en 2012. Les législatives du 31 juillet l’ont privé de cette aisance et si l’opposition n’est pas arrivée à lui imposer la cohabitation qu’elle espérait, la journée d’ouverture de cette nouvelle législature a laissé entrevoir le champ de mines qui se dessine devant lui.

L’exécutif n’aura plus la même marge de manœuvre pour voter ses projets de lois ou lever l’immunité d’un adversaire

Afin d’obtenir la majorité absolue et faire élire son candidat au perchoir, Benno Bokk Yakaar (BBY), la mouvance présidentielle, qui n’a désormais plus que 82 députés, a pu compter sur le ralliement d’un député indépendant, Pape Diop, et sur les divisions de l’inter-coalition de l’opposition, Yewwi Askan Wi/Wallu Sénégal, qui a présenté trois candidats pour finalement boycotter le vote.

Il apparaît cependant désormais évident que l’exécutif n’aura plus la même marge de manœuvre pour voter ses projets de lois, lever l’immunité d’un adversaire – comme cela avait été le cas pour l’ex-maire de Dakar Khalifa Sall en 2017 et pour Ousmane Sonko, la figure montante de l’opposition, en 2021 – ou éviter des enquêtes parlementaires.

« Il y a un vrai risque de paralysie »

« Le chaos de cette rentrée était prévisible après les tensions observées lors des dernières élections. Le premier défi du pouvoir est maintenant d’éloigner l’opposition des commandes de l’Assemblée, car il y a un vrai risque de paralysie jusqu’à la fin du mandat de Macky Sall, alors que le vote de lois organiques requiert une majorité des trois cinquièmes », indique un observateur étranger sur place.

L’échéance de février 2024, date à laquelle doit se tenir la prochaine élection présidentielle, est inscrite dans tous les esprits mais reste soumise au flou entretenu par le chef de l’Etat sur ses intentions, bien que l’article 27 de la Constitution interdise plus de deux mandats successifs. Tentera-t-il le passage en force vers un troisième mandat, au risque de déclencher une protestation de masse, ou laissera-t-il un possible successeur émerger dans son camp ?

 

En poussant la candidature d’Amadou Mame Diop, un pharmacien de formation peu connu du grand public, pour prendre la tête de l’Assemblée nationale, Macky Sall a aussi envoyé un message aux poids lourds de sa majorité.

L’ancienne cheffe de gouvernement Aminata Touré, qui a conduit la campagne des législatives pour BBY, ou l’ex-ministre Amadou Ba, dont les noms ont été régulièrement cités pour occuper le perchoir, ont été oubliés. « Il pense qu’ils n’ont pas assez mouillé le maillot durant la campagne et qu’ils vont désormais surtout chercher à le gêner », explique un proche de Macky Sall.

« Signes annonciateurs d’une fin de règne »

Reste que ce manque de considération porte en lui le danger des défections et génère les velléités d’indépendance de ses alliés. « Mimi » Touré a déjà asséné dans le quotidien local L’Obs que cette « injustice » était « celle de trop » dans son « compagnonnage avec Macky Sall », dénonçant notamment le choix porté sur Amadou Mame Diop comme « strictement familial ». Ce dernier serait en effet lié à Mansour Faye, ministre dans le dernier gouvernement et beau-frère du président.

« Ces humiliations, ces mécontentements qui commencent à s’exprimer, ces décisions qui ne sont pas comprises par les siens, sont des signes annonciateurs d’une fin de règne, mais Macky Sall ne donne aucun signe de vouloir passer la main. Tous ses actes vont dans le sens de la continuité de son pouvoir », analyse Moussa Diaw, chef de la section science politique de l’université Gaston-Berger, à Saint-Louis.

 

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Cyril Bensimon 

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

 

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