Slate – À chaque rentrée scolaire, c’est une question qui se pose aux parents de jumeaux et à leurs enseignants: faut-il laisser les jumeaux dans une même classe ou vaut-il mieux les séparer? Sur la base de la théorie dite de dégémellisation, certains établissements scolaires imposent une séparation quasi systématique des jumeaux, dans l’objectif de les rendre plus indépendants et de favoriser leur individualité.
Selon cette théorie, maintenir des jumeaux dans la même classe empêcherait le développement sain de leur identité. Ainsi, selon une enquête menée aux États-Unis, 71% des directeurs d’école pensent qu’il est important de séparer les jumeaux dès la maternelle. Cette même enquête révèle que la séparation est systématiquement réalisée en maternelle dans 45% des cas, parfois contre l’avis des parents et des enfants. Ainsi, bien que 81% des jumeaux aient souhaité être intégrés dans la même classe en moyenne et grande section, 58% d’entre eux sont séparés.
Les parents qui sont contre la séparation déclarent que le maintien de leurs enfants dans la même classe leur permettrait de s’entraider et de réduire leur stress d’aller à l’école, notamment dans les premières années. En revanche, les parents qui sont favorables à la séparation expliquent que celle-ci permettrait à leurs enfants de développer leur identité propre, de réduire les risques de conflits entre eux et de se faire leurs propres groupes d’amis.
Néanmoins, dans cette enquête, la majorité des parents (62%) ne trouve pas de bénéfice à séparer leurs enfants en grande section et ne souhaite pas que cela soit fait. Aussi, 20% des parents dont les jumeaux ont été séparés déclarent que cela a été au moins un peu traumatisant pour leurs enfants.
Les politiques de séparation systématique des jumeaux à l’école sont-elles justifiables? En réalité, ces politiques reposent sur des théories n’ayant reçu, à ce jour, aucun fondement empirique. Par ailleurs, de nombreuses études scientifiques, menées au cours de ces deux dernières décennies, remettent en question les pratiques de séparation systématique des jumeaux à l’école.
Ces recherches apportent des données importantes quant aux effets de la séparation des jumeaux sur leur bien-être et les apprentissages et peuvent aider les équipes pédagogiques et les parents dans leur choix (lorsque celui-ci est possible) de maintenir ou non ces élèves dans une même classe.
Des effets sur le bien-être
Concernant le bien-être à l’école, une étude menée auprès de 1.116 enfants anglais et gallois âgés de 5 à 7 ans révèle que les jumeaux ayant été séparés à l’école présentent des signes d’anxiété et de dépression légèrement supérieurs à ceux ayant été maintenus dans la même classe. Ces résultats ont été confirmés dans une autre recherche réalisée sur un échantillon de 2.184 paires de jumeaux néerlandais qui montre également une persistance de ces effets négatifs à l’âge de 7 ans lorsque les enfants ont été séparés à l’âge de 5 ans. Toutefois, cet effet négatif ne perdure pas à l’âge de 12 ans.
Concernant la question des relations sociales, l’hypothèse d’un avantage de la séparation des jumeaux sur la qualité de leurs interactions entre eux et avec les autres enfants a été récemment contredite par une étude conduite auprès de 1.120 jumeaux québécois âgés de 6 à 12 ans. En effet, cette étude ne révèle aucun effet positif de la séparation sur la relation entre les jumeaux et montre surtout que les jumeaux partageant la même salle de classe étaient légèrement moins renfermés socialement que ceux placés dans des classes différentes.
Enfin, dans les trois études citées, aucun effet positif ou négatif de la séparation n’a pu être attesté sur les troubles du comportement chez les jeunes élèves âgés de 5 à 7 ans. En revanche, l’étude de Garon-Carrier montre que les élèves jumeaux âgés de 12 ans séparés dans deux classes différentes présentaient plus de comportements agressifs et manifestaient plus de problèmes d’attention que ceux n’ayant pas été séparés.
Des effets sur les acquis scolaires
Sur le plan des acquisitions scolaires, les résultats des études scientifiques sont plus contrastés. Par exemple, la recherche de dirigée par Lucy A. Tully (2004) révèle un léger effet positif de la séparation des jeunes jumeaux dizygotes âgés de 5 ans sur l’engagement au travail, mais un faible effet négatif sur le développement des habiletés de lecture dans les premières années d’acquisition.
Source : Slate (France)
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