
Tunisie et le Maroc. Après avoir rappelé son ambassadeur à Tunis et annulé sa participation à la huitième Conférence internationale de Tokyo pour le développement en Afrique (Ticad 8) qui se tenait dans la capitale tunisienne les 27 et 28 août, Rabat a fait savoir, par le biais de ses fédérations sportives, que l’équipe marocaine ne participera pas au championnat nord-africain de karaté organisé à Tunis en septembre.
La tension ne retombe pas entre laEn Tunisie, où les autorités ont à leur tour rappelé leur ambassadeur en poste à Rabat, le syndicat des journalistes a dénoncé « une campagne de dénigrement » après les vives critiques émises par la presse marocaine.
Le royaume chérifien est furieux de l’accueil réservé par le président tunisien, Kaïs Saïed, au chef du Front Polisario, Brahim Ghali, président de l’autoproclamée République arabe sahraouie démocratique (RASD), venu assister au sommet Japon-Afrique.
Ancienne colonie espagnole, aujourd’hui considérée comme « territoire non autonome » par l’Organisation des Nations unies, le Sahara occidental fait l’objet d’un conflit entre le Maroc, qui revendique la souveraineté de ce territoire qu’il contrôle à 80 %, et les indépendantistes du Front Polisario, soutenus par l’Algérie. Dans un communiqué, le ministère marocain des affaires étrangères a qualifié la réception de Brahim Ghali d’« acte grave et inédit » qui nuit aux relations entre la Tunisie et le Maroc.
Historiquement, la Tunisie s’est toujours tenue à l’écart du différend au sujet du Sahara occidental, refusant de se ranger du côté de l’un ou l’autre de ses voisins, Maroc ou Algérie. Une position de neutralité réitérée dans un communiqué du ministère des affaires étrangères tunisien : Tunis assure avoir « maintenu sa totale neutralité sur la question du Sahara occidental dans le respect de la légitimité internationale », prônant une « solution pacifique et acceptable par tous ».
Influence algérienne
Selon l’historienne Sophie Bessis, c’est l’accueil réservé à Brahim Ghali, « digne d’un chef d’Etat », qui a provoqué l’ire de Rabat. Le président tunisien s’est en effet rendu en personne à l’aéroport pour accueillir le dirigeant sahraoui. « Si Kaïs Saïed s’était contenté d’envoyer un représentant du ministère des affaires étrangères accueillir le chef du [Front] Polisario, la réaction marocaine aurait peut-être été moins véhémente. Cet accueil est d’autant plus étonnant que la Tunisie n’a jamais reconnu la RASD », poursuit Mme Bessis.
L’historienne voit dans le geste du président tunisien une rupture avec ses prédécesseurs, qui « est sans doute le résultat d’une influence algérienne de plus en plus visible, Kaïs Saïed s’étant rapproché d’une façon inédite d’Alger depuis son élection en 2019 ». « Depuis son indépendance, et surtout depuis 1962, date de l’indépendance algérienne, la Tunisie a toujours été confrontée à la volonté de l’Algérie de la faire entrer dans sa zone d’influence », poursuit-elle.
Le chercheur Youssef Chérif, directeur du Centre de l’université Columbia à Tunis, constate aussi que les intérêts stratégiques de la Tunisie se rapprochent davantage du côté algérien que marocain. Tunis et Alger ont multiplié les gestes de rapprochement ces derniers temps. L’Algérie avait vu d’un très mauvais œil le rapprochement de Kaïs Saïed avec l’Egypte, son vieux rival régional. Cela explique-t-il l’embellie des relations entre les deux voisins ?
L’Algérie a en tout cas accepté, le 15 juillet, de rouvrir sa frontière commune. Sa fermeture depuis l’épidémie de Covid-19 représentait un important manque à gagner pour Tunis, qui accueillait alors près de 3 millions de touristes algériens en 2019. L’Algérie a aussi aidé son voisin lors de la pandémie en lui fournissant de l’oxygène et l’a soutenu plus récemment dans sa lutte contre les incendies.
Géopolitique tendue
Alger a-t-il également joué un rôle de médiateur entre les autorités tunisiennes et l’Union générale tunisienne du travail, la puissante centrale syndicale, qui avait appelé à une grève générale le 16 juin ? C’est ce qu’ont avancé de nombreux observateurs après la poignée de mains remarquée entre le président Kaïs Saïed et le secrétaire général de la centrale, Noureddine Taboubi, à l’occasion des célébrations des soixante ans de l’indépendance algérienne, à Alger.
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