RECONNAISSANCE ÉTERNELLE À MES MAÎTRES IBRAHIMA MOCTAR SARR (Part I) / Par Siree Kan Tekruur 

Cette photo est un concentré d’hommes et de femmes qui n’ont jamais renoncé à lutter contre l’apartheid implanté sur ce vaste territoire entre le Sénégal et le Maroc.

C’était en 2017, dans la bibliothèque de Ousmane Diagana, notre responsable aux relations extérieures, un homme affable, un grand  défenseur de la culture soninké, mon ndiatigué à Kaédi et même en France.

Cela faisait 3 ans que j’avais quitté la politique, convaincu qu’au lieu de solutionner la question noire elle nous divisait et servait les intérêts du nouveau colon installé par la France. Mais ce jour j’ai enfilé mon ancien maillot de chef de la jeunesse ajd/mr, directeur de communication et porte-parole effectif de ce parti pour accueillir l’un de mes maîtres à penser :  Ibrahima Sarr, l’homme de culture à la spiritualité zen et respectueuse.

Quand il avait claqué la porte de l’APP en 2006 parce que notre président Messoud Ould Boulkheir n’évoquait plus le règlement par le CMJD [01] des dossiers majeurs pendant la transition, il était parti seul ! On n’avait pas suivi notre vrai chef, le boss de l’INAC, le courant interne des noirs non arabes.

Et l’avenir lui avait donné raison. Messoud, que j’ai adulé de 1991 à 2007, avait bien mis fin à son glorieux passé de rebelle intraitable pour trôner à l’assemblée nationale de la junte.

J’ai beaucoup appris avec le lion Messoud, avec le monument Ladji Traoré aussi. Mais aujourd’hui c’est à IMS que je veux rendre hommage pour les apports très concrets dans ma vie de tous les jours.

Quand j’ai fini par rejoindre l’enfant du Brakna au MRN [02], l’ancêtre de l’AJD/MR [03], tout le monde était galvanisé par son score de 8% à la présidentielle. Pas moi. Messoud avait fait 9% et le cumul des deux scores aurait peut-être permis la présence de APP[04] au second tour. Les incompréhensions entre nos deux leaders ont découragé beaucoup de nos militants, qui avaient choisi l’abstention ou aller vers d’autres formations. J’avais rejoint IMS mais je gardais espoir de reconstituer notre ancien AC[05] que même Taya déclarait comme le seul vrai parti d’opposition.

MON UNIQUE GUERRE AVEC IMS

Les grands clashs font les grands amis paraît-il. Un jour IMS m’a demandé de faire un communiqué et j’ai refusé, arguant que c’est au bureau politique de décider. Le congrès constituf de l’AJD/MR venait de se terminer et j’étais entré au bureau exécutif (BE) sur le quota…d’IMS ! C’est aussi lui qui m’avait proposé à la Communication. Autrement dit, il avait le pouvoir de me virer à la prochaine réunion.

En réalité, je faisais partie de ceux qui étaient opposés à toute décision entre deux BE et on avait verrouillé les statuts pour empêcher cela. On s’est disputé très violemment. Et c’est là que j’ai découvert l’IMS qui aime la contradiction quand elle est argumentée et non personnalisée.  Ceux qui le connaissent savent qu’il garde le silence face aux attaques personnelles car il estime qu’il n’a pas le droit de se disperser vu l’importance de son combat. Certains interprètent ce mutisme comme une fuite, une confirmation qu’ils ont raison.

Que neni! 

Notre amitié est née ce jour-là, comme s’il attendait depuis longtemps d’avoir affaire à une tête de mule comme moi, comme lui. Dieu fasse qu’il s’entête encore longtemps pour ne jamais se vendre, brader notre cause.

IMS est un ami, un père et un… marabout ! Voilà pourquoi mon dernier fils porte son nom et je prie qu’il hérite des vertus et de la piété de Saarel 6okki.

La petite anecdote :  IMS a coopté 9 membres sur 37 du Bureau Exécutif. La plupart l’ont trahi ou déçu.

AIME POUR AUTRUI CE QUE TU AIMES POUR TOI-MÊME

( لا يؤمن أحدكم حتى يحب لأخيه ما يحب لنفسه )

Nous  connaissons tous ce beau hadith, Ibrahima l’a même chanté dans un de ses poèmes. Chez moi, seuls les actes posés concrètement ont valeur de conseil. Les moralisateurs à longueur de journée oublient de travailler, n’est-ce pas ?

Après le calamiteux retour de la 1ère vague des déportés en janvier 2009, tous les militants étaient invités à donner des vêtements, couvertures, lait en poudre, café….

IMS avait donné les plus beaux habits, ils étaient flambants neufs, les donneurs de haillons étaient ébahis.

Je me rappelle de ce beau demi-saison bleu indigo, brodé. Que ne fut notre surprise dans la salle de tri en constatant qu’il avait.. disparu ! Il y avait aussi des voleurs à l’ajd/mr nous sommes nous dit. C’est ce jour je crois que j’ai crû en peu plus au soufi. IMS ne récite pas ses paroles, il pense profondément tout ce qu’il dit.

D’ailleurs, un jour j’ai croisé Jemil Ould Mansour, Président de Tawassoul, 5à la librairie 15/21. Après des salutations très chaleureuses comme seuls nos chers beidhanes sont capables, il dit « Siree, dis à ton président d’arrêter la politique et d’ouvrir une mosquée, il ne sait dire que la vérité ! »

J’avais éclaté de rire, IMS fit de même quand il apprit tout le bien que pensait de lui l’homme qui complétait nos signatures de conseillers pour l’élection présidentielle. On était toujours bloqués par cette règle de présence dans 6 régions différentes.

Jemil est le seul Président de parti qui était à l’accueil du 1er contingent, il était même monté sur le bac de Rosso. J’étais là.  Et IMS fut le seul leader à leur rendre visite dans leurs nouveaux camps, devenus réfugiés dans leur propre pays.

La femme de culture et de toutes les luttes avec nous est Haby Zakaria Konte, elle fut responsable des femmes de notre section France.

 

20 août 2022

Siree Kan Tekruur 

[01] Comité Militaire pour la Justice et la Démocratie, mis en place par la junte après la révolution de palais d’août 2005 qui a balayé le Colonel Taya. Le général Ghazouani à récemment déclaré dans Jeune Afrique que l’exilé au Qatar peut rentrer au bercail, preuve qu’il ne le considère pas comme un criminel. C’est bien la preuve que le soit-disant putsch de 2005, mené par Aziz, Ghazouani et Cie, était juste pour éviter de perdre le contrôle du pouvoir par ce clan de l’armée. 

De tête, les dossiers majeurs pour APP étaient l’esclavage, le génocide et le retour des déportés 

[02] Mouvement pour la Réconciliation Nationale, créé pour porter la candidature d’IMS à l’élection présidentielle de mars 2007

[03] Alliance pour la Justice et la Démocratie/Mouvement pour la Réconciliation, créé le 19 août 2007 après un congrès houleux. Il y avait déjà les prémisses de la fronde après le putsch du général Aziz. Je l’appelais, ironiquement, la fronde Tooroodo. Je ne citerai pas de nom mais y avait chez certains frondeurs une féodalité assumée

[04] Alliance Populaire Progressiste. Après les propos tenus par le député IMS à l’assemblée nationale sur le génocide perpétré contre les noirs, le Premier ministre Cheikh Ould Avia estimait qu’une ligne rouge avait été franchie et AC fut dissous. On tenta sans succès de créer la Convention pour le Changement, refusée par la junte. C’est alors que nous prîmes le récépissé de APP, le parti nassériste de Khalil Ould Teyib. On sait aujourd’hui qu’on s’est brûlé les ailes, ils ont réussi à retourner Messoud et d’autres cadres du AC originel.

[05] Action pour le Changement, le plus grand opposant à Taya qui, pour l’anecdote, appelait parfois sarr, qu’il avait emprisonné 4 ans, « celui qui a un bonnet rouge  » (bou koufaara lhamra). Un moment j’ai cru que IRA allait réussir ce pari de rassembler à nouveau les haratines et les noirs non arabes, mais c’est raté.

 

 

 

(Reçu à Kassataya.com le 21 août 2022)

 

 

 

 

 

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