
«Les Grands ne nous paraissent grands que parce que nous sommes à genoux ». Serait-ce pour cette raison qu’en certaines circonstances-souvent tragiques-ils s’astreignent à se mettre genoux?
Tels l’empereur Akihito en 2011 à Fukushima ou, plus près de nous, M. Ghazouani, hier, auprès de sinistrés à Kaédi ? Qu’a voulu signifier le président par une telle posture? Le mot n’a ici rien de péjoratif. Sa compassion et sa proximité? Une forme d’impuissance?
Il est difficile d’interpréter un geste individuel. Celui qui l’adopte en est le meilleur exégète alors que les comportements collectifs se lisent plus facilement comme des signes de ralliement et comme des slogans faisant corps.
A l’image du kneeling du BLM. Reste que, malgré l’impact et la forte charge symbolique du visuel, on conviendra que, s’agissant de ce qui s’est passé à Kaédi, l’important se situe ailleurs. Il tient en tout 1er lieu au fait que le geste a surpris et, ce faisant, désarçonné certains.
Une incrédulité désabusée l’avait précédé sur les réseaux dits sociaux autour d’interrogations du genre pourquoi pas Kaédi ? Qu’attend-il pour… ou et si c’était…? Une fois visionnées les images à Kaédi, le scepticisme cède le pas à un certain soulagement, assorti toutefois ici et là des réserves indissociables d’une initiative de ce type. Sa sincérité est questionnée en même temps qu’affleurent les habituels soupçons.
A également percé ce tour d’esprit ancré, faisant qu’en Afrique, on s’est habitué à attendre si peu des dirigeants que quand ils font ce qu’ils doivent, ce qu’ils font est magnifié plus que de raison. Il en est ainsi, dans un tout autre répertoire, quand telle ou telle «excellence» consent tout simplement à se conformer à la Constitution de son pays et à ne pas briguer pas un mandat «supplémentaire» proscrit par le texte fondamental. Généralement le troisième mandat.
Pour en revenir à notre sujet, on manquerait à l’honnêteté si, au titre des raisons de l’étonnement consécutif à la présence du président à Kaédi, on taisait celle qui pourrait être brutalement ainsi formulée : parce que c’est «Ghazouani» et parce que c’est Kaédi. Dit autrement, si on passait sous silence le sentiment dominant et diffus qui veut que les villes du Sud du pays- Kaedi en est emblématique- ne jouissent pas de la part des pouvoirs publics d’un égal intérêt que leurs consoeurs du Nord d’importance similaire.
Cela étant, l’objectivité commande en l’occurrence de trouver positive, dans son principe du moins, la présence du chef de l’Etat auprès de populations éplorées. La même objectivité incite à concéder que la présence de M. Ghazouani à Kaédi crée désormais un précédent dont nous souhaitons qu’il ne trouve de sitôt l’occasion d’une mise à l’épreuve. Le plus important, c’est évidemment l’après.
L’on a cru entendre M. Ghazouani dire, c’est-à-dire prescrire : il faudra le faire le plus rapidement possible. C’est a priori de bon augure. Pour les populations visitées, tout dépendra de la suite.
En fonction de ce qu’il adviendra, elle contribuera à magnifier l’agenouillement présidentiel ou à l’inverse, à le démonétiser. Suivant les cas, les enthousiastes ou les dubitatifs auront eu raison.
Tijane Bal
Facebook – Le 21 août 2022
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