
Un chanteur connu célébrait «le temps des colonies ». Un chef religieux regrette le temps d’avant la colonie. Un temps où, à ses yeux, Maroc et Mauritanie n’auraient fait qu’un. Il est frustrant d’apprécier hors contexte un propos même si celui prêté au dignitaire religieux Ahmed Raissouni est explicite.
Comme le recommande un journaliste réputé, face à une déclaration, il faut toujours, par réflexe, se demander qui parle et d’où ? On pourrait ajouter dans quel contexte.
M. Raissouni préside l’Union Internationale des Ulémas et cela justifierait qu’on questionne le statut de son expression. Il semblerait que le religieux inscrive son propos dans le contexte d’un rapprochement algéro-mauritanien supposé. Ce qui signifierait qu’il se soit davantage exprimé en citoyen marocain. De là à supposer, malgré les condamnations de celles-ci, qu’il ait eu l’aval des autorités de son pays. Reste que, n’eut été le timing, son propos n’aurait rien de totalement inédit. C’est du déjà entendu. Comme le hoquet, il aurait juste quelque chose de spasmodique. On croit que c’est passé mais ça revient.
Les prétentions marocaines sur la Mauritanie sont une vieille affaire. Vieille au point que la Mauritanie et le Maroc ont, à un moment donné, revendiqué, cette fois de conserve, un autre territoire : le Sahara dit occidental. Une affaire classée donc. Du moins officiellement.
Dans les têtes et dans les faits, c’est peut-être autre chose. Tout mauritanien ayant séjourné au Maroc l’a expérimenté. La chose ressort souvent sur le registre de la plaisanterie. Le roi Hassan II lui-même a cru devoir rappeler dans ses Mémoires, Le défi, que ses aïeux lui avaient légué un royaume dont les limites s’étendaient jusqu’à «Ndar» (dans le texte) soit Saint-Louis du Sénégal.
L’ouvrage a pourtant été publié en 1976. Il y avait belle lurette que le ministère marocain des affaires mauritaniennes avait disparu. Allal el Fassi aussi, deux ans plus tôt. Pas son aura ni le respect que lui vouait l’Istiqlal son parti. A survécu malgré tout une « trame » plus ou moins accentuée au fil des contingences des relations entre les deux pays.
Ceux qui en ont l’âge se souviennent probablement de cette sentence royale à propos d’une Mauritanie composée «d’un Nord et d’un Sud» avec «entre les deux les dunes de sable» et dont «la stabilité n’avait d’égale que la mouvance des sables».
Cela reste, comme dirait l’autre, moins pire que cet « aveu » de Jacques Benoist-Méchin, esprit supérieur, mais qui ne fut pas irréprochable: «Nous avons créé la Mauritanie à cause d’une montagne de fer» «Nous», on l’aura compris, c’est la France. Celle « du » Bureau des Recherches Géologiques et Minières ?
PS : Titre emprunté à Ahmed Baba Miské. L’expression figure dans son ouvrage Front Polisario, l’âme d’un peuple.
Tijane Bal
Facebook – Le 17 août 2022
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