
Sénégal forte de 80 parlementaires.
Une majorité absolue, la plus courte possible, s’est finalement dessinée à l’Assemblée nationale sénégalaise. Le député et ancien maire de Dakar (2007-2012) Pape Diop s’est en effet rallié, jeudi 11 août, à la coalition présidentielle Benno Bokk Yaakaar (BBY). Celle-ci cumule désormais 83 sièges sur les 165 que compte l’Hémicycle, talonnée par l’intercoalition de l’opposition Yewwi Askan Wi (YAW)-WalluPape Diop a été élu aux législatives du 31 juillet sur l’une des trois listes issues de coalitions ultra minoritaires. Chacune avait obtenu un seul siège. Elles s’étaient alors imposées en « arbitre » pour départager les deux blocs du pouvoir et de l’opposition, au coude à coude. Un tel clivage au Parlement est inédit dans l’histoire sénégalaise et devrait contraindre le président Macky Sall, à la tête du Sénégal depuis 2012, d’adapter sa politique et de négocier davantage.
Pour Pape Diop, qui présida l’Assemblée nationale de 2002 à 2007, s’allier à BBY est une garantie pour « assurer la stabilité » du pays. « Une Assemblée nationale placée sous le contrôle de l’opposition débouchera sur une crise institutionnelle, [car] le président de la République serait amené à gouverner par ordonnances, ce qui serait un recul pour notre démocratie », estime l’homme politique et homme d’affaires de 68 ans, craignant un blocage du fonctionnement des institutions.
Cette majorité absolue est fragile. Le cas échéant, l’absence ou la défection d’un seul député du camp présidentiel pourrait être fatale à certaines lois. La question va se poser dès la rentrée parlementaire de septembre à l’occasion de l’élection du prochain président de l’Assemblée nationale à bulletins secrets. « La majorité est si étriquée que le pouvoir pourrait avoir des difficultés à gouverner et à contrôler le Parlement, car le “perchoir” pourrait revenir à l’opposition », analyse Papa Fara Diallo, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis. Une majorité qualifiée aux trois cinquièmes de l’Hémicycle est aussi requise pour faire passer des lois organiques ou pour modifier la Constitution. « Le chef de l’Etat ne pourra plus faire certaines réformes majeures sans négocier », anticipe le chercheur.
« Faire monter les enchères »
Les regards sont aussi tournés vers les autres « faiseurs de rois » : Pape Djibril Fall et Thierno Alassane Sall. Tous deux ont fait campagne en critiquant le bilan de Macky Sall, mais ils ne se sont pas positionnés clairement depuis leur élection. Pape Djibril Fall, jeune journaliste, s’est lancé dans la politique en avril à la tête de la coalition Les Serviteurs/MPR. Chroniqueur à la Télévision futur média (TFM), il avait déclaré à l’annonce de sa candidature n’avoir « aucun engagement politique de quelque bord que ce soit » et se disait « fatigué de la bipolarisation de l’espace politique ».
Thierno Alassane Sall, quant à lui, est un ancien ministre de Macky Sall, chargé des infrastructures, des transports terrestres et du désenclavement (2012-2014), puis de l’énergie, portefeuille qui lui a été retiré en 2017 à la suite d’un désaccord concernant des contrats pétroliers. Il dirige la coalition Alternative pour une assemblée de rupture (AAR). Il a déclaré à plusieurs reprises qu’il resterait dans l’opposition. Il n’a pas non plus annoncé son ralliement à l’intercoalition codirigée par Ousmane Sonko. Ce dernier, qui s’est forgé la stature de principal opposant à Macky Sall, avait accusé les deux députés solitaires de faire le jeu du chef de l’Etat durant la campagne. « Nous nous sommes positionnés comme une alternative aux deux blocs BBY et YAW-Wallu », explique l’ancien ministre. « L’AAR fait monter les enchères pour négocier son soutien à l’opposition », analyse le chercheur Pape Fara Diallo.
Mais YAW-Wallu vise plus large. A plusieurs reprises, publiquement, elle a tendu la main aux députés du camp présidentiel. « Nous leur demandons de prendre leurs responsabilités alors que ce régime est finissant », argumente Cheikh Tidiane Youm, l’un des responsables de YAW. Les postes de vice-présidents et de présidents des commissions ou des groupes parlementaires sont en jeu. Autant de fonctions clés, chèrement disputées, qui permettent notamment d’avoir la main sur l’ordre du jour des débats.
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