Habib ould Mahfoud : écrivain hors pair / Par Nana Mohamed Laghdaf

D’habitude, lorsque la maisonnée sombre dans le sommeil faisant place au silence profond de la nuit, la lecture me procure un effet soporifique assuré.

Même si le thème suscite mon intérêt et le style d’écriture se révèle attachant, je m’endors néanmoins dès les premières pages.

Cette habitude depuis longtemps acquise s’est vue bousculée, brisée par un livre que j’ai ouvert l’autre soir tandis que je m’apprêtais à dormir.

Le sommeil ne me vint pas et ne vis l’heure passer qu’au moment où l’aube, pointant son nez au travers des interstices de la fenêtre, m’a surprise en proie à une hilarité pour le moins insolite. Je riais à gorge déployée.

Ainsi, au delà de la nuit, au delà du silence et de la fatigue, au delà de la cruauté de la mort, le miracle de l’écriture s’est fait chair : Une personne depuis longtemps partie, que je n’ai connue que de vue, me fait passer l’envie de dormir, m’arrache sans coup férir à la morosité ambiante, au terne des couleurs invariablement grises de notre routine.

Une écriture enlevée, saugrenue, habillant de candeur une réelle profondeur, réalise la cocasse prouesse d’être à la fois grave et délicieusement comique.

Cet écrivain hors pair, ce génie de l’à-propos offre aussi tout le long de ses écrits, mine de rien, une culture quasi-encyclopédique réputée ennuyeuse réussissant l’exploit de nous la refiler, enrobée d’exquises dérisions.

Puis, sans jamais se perdre dans la dentelle de l’écriture, son style s’ajuste judicieusement au ras de l’effet usant par moments de rigolotes familiarités qui n’ôtent rien à la grâce et à la légèreté du ton.

Et, joignant l’utile à l’agréable, il peint d’une main d’expert, à travers de multiples métaphores, genre « lettre à un chameau », » l’idée du Président » ou la « géographie des odeurs » etc., la culture Beidhane, mettant à nu toutes les nuances de nos spécificités ainsi que le ridicule des survivances de nos vieilleries transposées dans la ville sans négliger de griffer au passage les miroirs sacrés de nos vanités.

De même, les tartufferies et autres hypocrisies ainsi que la drôle de démocratie sont loin d’être épargnées.

Un tableau de maître figurant une Mauritanie lisible par l’autre, par tout étranger désireux de comprendre sur un ton toujours badin les subtilités de notre mentalité, de nos mœurs, de notre manière d’habiter et de voir le monde.

Vous avez sans nul doute reconnu la plume dont il s’agit. Un homme qui nous a quitté à l’aube de ce siècle emportant avec lui un talent jusqu’ici inégalé sous nos cieux.

Un homme qui a fait le bonheur des lecteurs mauritaniens le long des années 90.

Ces années marquées par des tragédies dont la mort des idéologies, ces illusions lyriques qui avaient nourri l’espoir de plurieurs génerations et sous nos cieux des horreurs innommables commises contre des citoyens , ces années-là dis-je, ont toutefois produit chez nous la joyeuse plume de feu Habib ould Mahfoud.

Un grand esprit parti dans la force de l’âge sans avoir eu le temps de nous livrer tous les joyaux que nous réservait sans nul doute son remarquable génie.

Qu’Allah lui accorde le plus élevé de ses Paradis

 

 

 

 

Nana Mohamed Laghdaf

Facebook – Le 08 août 2022

 

 

 

 

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