Au Mali, la menace djihadiste se rapproche de Bamako

Le Groupe de soutien de l’islam et des musulmans, branche sahélienne d’Al-Qaida, a revendiqué de multiples attaques meurtrières menées ces dernières semaines à proximité de la capitale malienne, installant ainsi « un climat de peur ».

 Le Monde  – A Bamako, militaires et policiers sont aux aguets depuis des jours. Autour de l’aéroport, devant le portail de la cité administrative abritant une large partie des ministères, aux portes des grands hôtels comme de celles du palais présidentiel… Les effectifs et les patrouilles ont été renforcés aux abords des points stratégiques de la capitale malienne pour contrer une menace terroriste qui a rarement été aussi pressante.

« Des unités combattantes sont déjà sur place et d’autres rentreront dans la capitale de jour comme de nuit. (…) De grandes opérations vont avoir lieu, jusqu’à l’aboutissement de la charia », a prévenu le djihadiste Abou Yahya, l’une des figures du Groupe de soutien de l’islam et des musulmans (GSIM), dans une vidéo de quatre minutes diffusée sur les réseaux sociaux le 28 juillet. Menace en l’air ou réel avertissement, la branche sahélienne d’Al-Qaida – groupe terroriste qui a vu son chef, l’Egyptien Ayman Al-Zawahiri, tué par une frappe de drone américain dans la nuit de samedi à dimanche en Afghanistan – a fait monter la tension au Mali.

Le 29 juillet, le département d’Etat américain a ordonné par voie de communiqué le départ d’une partie de son personnel diplomatique non essentiel et de leurs familles, basés à Bamako, « en raison du risque accru d’attaques terroristes ». Le Quai d’Orsay a, quant à lui, durci ses consignes données aux Français souhaitant se rendre au Mali en modifiant sa carte des risques publiée sur le site de l’ambassade, le 27 juillet. Pour la première fois, l’ensemble du pays a été placé en zone rouge – pour « formellement déconseillé ». Une seule exception : Bamako, qui a jusqu’à présent conservé sa couleur orange et reste donc toujours « déconseillé sauf raison impérative ».

« Plus que jamais présents »

Pendant ce temps, le chef d’état-major malien mettait ses troupes en état d’alerte. Dans un message confidentiel adressé à la hiérarchie, le général de brigade, Oumar Diarra, lançait un appel au « dévouement, sacrifice et patriotisme » afin de mettre un terme à l’offensive djihadiste d’ampleur lancée par le GSIM, le 21 juillet.

Ce jeudi-là, à l’aube, le groupe commandé par le chef terroriste malien Iyad Ag Ghali a déclenché, au centre et au sud du pays, six attaques coordonnées. En moins d’une heure et demi, plusieurs positions des forces de défense et de sécurité sont attaquées dans trois régions (Mopti, Ségou et Koulikoro) à l’aide de matériel militaire lourd (véhicules piégés à l’explosif, obus). Certains des assauts sont repoussés par les forces armées maliennes (FAMa). Trois militaires meurent. Dans la foulée, le GSIM revendique l’offensive coordonnée dans un communiqué publié sur sa plate-forme de propagande Al-Zallaqa. « Les attaques qui vont suivre seront les plus choquantes », met-il en garde.

 

Le lendemain, le 22 juillet, la junte malienne arrivée au pouvoir à la suite de deux coups d’Etat, en août 2020 et mai 2021, est frappée en son cœur. A 5 heures, à seulement quinze kilomètres de Bamako, une épaisse fumée noire se dégage de la ville garnison de Kati, le quartier général de la junte où résident certains de ses chefs. Deux véhicules piégés ont explosé aux abords d’une des installations militaires du camp, entraînant la mort d’un soldat. « La situation est sous contrôle », tente alors de rassurer l’état-major dans un communiqué, en qualifiant ces attaques de « tentatives désespérées des terroristes ».

L’opération est loin d’être un succès pour le GSIM mais le symbole est fort. Pour la première fois au Mali, le cœur du pouvoir a été visé par Al-Qaida. « Les djihadistes ont réussi à contredire la propagande des autorités qui les présente depuis des mois comme des forces à l’agonie, estime une source diplomatique occidentale basée à Bamako. Ils ont montré qu’ils étaient plus que jamais présents, avec la capacité opérationnelle et les kamikazes prêts à mourir pour attaquer la capitale, s’ils le décidaient. »

Référence explicite à Wagner

Bamako et ses environs n’avaient pas subi d’attaque d’une telle ampleur depuis cinq ans et l’attentat mené contre l’hôtel-restaurant Le Campement, en périphérie de la capitale, en juin 2017. Neuf personnes avaient été tuées. Comme cet attentat, celui de Kati a été revendiqué par le GSIM. « Au gouvernement de Bamako, si votre droit est d’acheter des mercenaires pour tuer des innocents, notre droit est de vous cibler », précisait le communiqué diffusé par Al-Zallaqa.

Une référence explicite au partenariat noué par la junte avec les mercenaires du groupe de sécurité privé russe Wagner, fin 2021. A cette période, les nouveaux alliés avaient lancé une vaste offensive antiterroriste au centre et au sud. Si l’opération « Kélétigui » avait permis de démanteler des bases logistiques ennemies et de neutraliser nombre de combattants, elle s’était aussi soldée par de multiples exactions contre les civils. La plus meurtrière d’entre elles eut lieu dans le village de Moura, au centre, entre le 27 et le 31 mars. Au moins 300 civils y furent tués par l’armée malienne et ses supplétifs russes, selon l’ONG Human Rights Watch (HRW). Le nom de ce village martyr figure d’ailleurs dans le communiqué de revendication publié par le GSIM le 28 juillet, pour justifier en partie l’attaque qui avait visé, la veille, une position militaire à Kalumba, dans la région de Nara. Douze militaires y avaient perdu la vie.

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Source : Le Monde 

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