
A moins de dix jours de la visite du président Joe Biden en Israël, le département d’Etat américain a classé un sujet de discorde, lundi 4 juillet, en rendant ses conclusions sur la mort de la journaliste de la chaîne Al-Jazira Shireen Abu Akleh, tuée en mai durant un raid israélien à Jénine, en Cisjordanie occupée. De l’analyse de la balle fatale, que l’Autorité palestinienne (AP) avait accepté de lui confier, Washington ne tire aucune conclusion.
L’objet est par trop endommagé, estime-t-il. Après avoir touché cette citoyenne palestinienne et américaine à la tête, le projectile s’est écrasé à l’intérieur du casque de protection qu’elle portait, selon l’enquête palestinienne. L’armée israélienne indique pour sa part qu’une marque unique, qui aurait pu la rattacher au fusil de l’un de ses soldats, n’a pas pu être identifiée.
« Circonstances tragiques »
Le département d’Etat précise avoir eu accès aux éléments d’enquête fournis par les deux parties. Il en conclut que « des tirs provenant d’une position de l’armée israélienne étaient vraisemblablement responsables de la mort de Shireen Abu Akleh ». Il précise n’avoir « trouvé aucune raison de croire que cela était intentionnel, mais bien plutôt le résultat de circonstances tragiques ».
Washington ne précise pas ce qui fonde cette conclusion, en dehors des éléments fournis par Israël. Soit une enquête interne de l’armée, opaque, dirigée par la propre hiérarchie de l’unité incriminée – le colonel Meni Liberty, chef de la brigade des commandos. Le gouvernement israélien se refuse à trancher sur la cause de la mort de Mme Abu Akleh, mais il exclut en tous les cas qu’un soldat ait pu la viser délibérément. Cela autorise le procureur militaire à ne pas faire ouvrir une enquête criminelle par la police militaire, pourtant d’usage lorsque des civils sont tués par l’armée en Cisjordanie. Lundi, l’armée a réaffirmé que le procureur n’avait pas encore arrêté sa décision.
Dans le détail, Washington n’explicite pas les conditions de l’examen de la balle – que l’Autorité palestinienne refusait à Israël. Selon ce communiqué, elle a été analysée de façon « indépendante » par « des observateurs tiers » dont l’identité n’est pas précisée, sous supervision du coordinateur de sécurité pour Israël et les territoires palestiniens, Michael Fenzel. L’armée israélienne, pour sa part, affirme que ses experts ont analysé la balle dans un laboratoire israélien, en présence d’officiels américains.
La famille de Shireen Abu Akleh s’est dite « incrédule » face à ces conclusions. Elle regrette que le FBI, habilité à enquêter sur le meurtre de citoyens américains hors des frontières, n’ait pas ouvert de procédure. « La vérité est que l’armée israélienne a tué Shireen suivant une politique qui considère tous les Palestiniens – civils, membres de la presse et autres – comme des cibles légitimes. Nous attendions d’une enquête américaine qu’elle cherche à découvrir les parties responsables et à les tenir comptables, non à parcourir des détails à peine significatifs, puis à présumer de la bonne foi d’une puissance occupante. »
« Blanchiment organisé »
Depuis le début de l’année, au moins soixante-neuf Palestiniens ont été tués par l’armée ou par des colons israéliens en Cisjordanie occupée, selon le ministère palestinien de la santé. « En ce qui concerne Israël, sa politique vis-à-vis des meurtres de Palestiniens n’a jamais été autre chose qu’un blanchiment organisé », réaffirmait, lundi, l’organisation israélienne de défense des droits humains Betselem. L’écrasante majorité des enquêtes de la justice militaire sur des soldats, lorsqu’elles sont ouvertes, sont in fine classées ou aboutissent à des peines mineures.
Depuis samedi, l’Autorité palestinienne se murait dans le silence, après avoir confirmé qu’elle avait confié la balle à Washington. Lundi, elle a déploré les conclusions américaines. Elle réaffirme son intention de poursuivre ses efforts auprès de la Cour pénale internationale, afin qu’elle se penche sur la mort de Shireen Abu Akleh, dans le cadre de son enquête sur les crimes commis dans les territoires occupés depuis 2014.
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