Le Sahara occidental : le Donbass maghrébin ?

La vérité n’a besoin que d’elle-même

OummaLe dossier dit « du Sahara occidental » empoisonne les relations algéro-marocaines depuis des décennies. Les deux pays semblent avancer à reculons et aller contre le sens du vent et à l’encontre de la tendance de l’époque. Le moment est à la coopération régionale et à la dignité des peuples.

 

Les blocs régionaux se constituent ou se réorganisent pour fortifier les pays-partenaires, surtout depuis le retour de la guerre en Europe. Le Sahara occidental est un territoire situé au sud du Maroc, au nord-ouest de la Mauritanie et au sud-ouest de l’Algérie. Nous avons été vérifier sur le site officiel des Nations Unies, toutes ses cartes grisent et spécifient bien le Sahara occidental, lui conférant, de fait, une limite territoriale, ce qui alimente les incompréhensions et les tensions diplomatiques.

Pourtant, sur le site officiel traitant de la MINURSO (Mission des Nations Unies pour l’Organisation d’un Référendum au Sahara occidental), on peut y lire ceci : « La Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) a été créée par la résolution 690 (1991) du Conseil de sécurité en date du 29 avril 1991, suite à l’acceptation des propositions de règlement par le Maroc et le Front POLISARIO, le 30 août 1988.»

Le plan de règlement, tel qu’approuvé par le Conseil de sécurité, a prévu une période transitoire pour la préparation d’un référendum, à l’occasion duquel le peuple du Sahara occidental choisirait entre l’indépendance et l’intégration au Maroc. Le Représentant spécial du Secrétaire général prend la responsabilité, unique et exclusive, des questions relatives au référendum et est assisté dans sa tâche par un groupe intégré composé de civils, de militaires et de policiers civils de l’ONU. Cet ensemble constitue la MINURSO.

Le 29 avril 2016, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2285, demandant aux parties de continuer de faire preuve de volonté politique, afin d’engager des négociations plus résolues et plus axées sur le fond.

Rembobinons la bande historique ! Dès 1963, naît le Front Polisario pour lutter contre la présence espagnole. Personne ne conteste la réalité du peuple sahraoui, pas même le Royaume chérifien. Lorsque l’on consulte le site de la Cour internationale de justice, on apprend que le 13 décembre 1974, l’ONU a demandé un avis à la Cour de justice internationale pour trancher sur cette réalité du peuple Sahraoui, au lendemain du départ du colon espagnol.

Deux questions ont été posées par l’assemblée générale à cette même Cour de justice :

  1. Le Sahara occidental (Río de Oro et Sakiet El Hamra) était-il, au moment de la colonisation par l’Espagne, un territoire sans maître (terra nullius) ?
  2. Quels étaient les liens juridiques de ce territoire avec le Royaume du Maroc et l’ensemble mauritanien ? 

Sur le site de la Cour on peut y lire ceci : « Dans son avis consultatif, rendu le 16 octobre 1975, la Cour a répondu négativement à la question I. En ce qui concerne la question II, elle a exprimé l’avis que les éléments et renseignements portés à sa connaissance montraient l’existence, au moment de la colonisation espagnole, de liens juridiques d’allégeance entre le sultan du Maroc et certaines des tribus vivant sur le territoire du Sahara occidental. Ils montraient également l’existence de droits, y compris certains droits relatifs à la terre, qui constituaient des liens juridiques entre l’ensemble mauritanien, au sens où la Cour l’entendait, et le territoire du Sahara occidental. En revanche, la Cour a conclu que les éléments et renseignements portés à sa connaissance n’établissaient l’existence d’aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara occidental, d’une part, le Royaume du Maroc ou l’ensemble mauritanien, d’autre part. La Cour ne constatait donc pas l’existence de liens juridiques de nature à modifier l’application de la résolution 1514 (XV) (1960) de l’Assemblée générale — qui contient la déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux — quant à la décolonisation du Sahara occidental et en particulier l’application du principe d’autodétermination grâce à l’expression libre et authentique de la volonté des populations du territoire ». La réponse détaillée se trouve dans le document s’intitulant« L’affaire du Sahara occidental, inscrite au rôle général de la Cour sous le numéro 61 le 3janvier 1975, a fait l’objet d’un avis consultatif rendu le 16 octobre 1975 (Sahara occidental, avis consultatif ; C.I.J. Recueil 1975, p. 12) ».

Ce document officiel de 71 pages peut être consulté gratuitement sur le site.

Cette réponse de la Cour relève d’une consultation, sans avoir un impact décisif sur le tracé des frontières, étant simplement consultative, mais elle affirme et confirme sans ambages le fait sahraoui et la réalité du sentiment d’appartenance à un peuple sur un territoire déterminé, du droit à ce peuple à disposer de lui-même et de son droit à l’autodétermination.

C’est à la suite de cette réponse datant du 16 octobre 1975 que Hassan II appliquera, avec l’aide de la France, la politique du fait accompli en organisant la grande Marche verte, le 6 novembre 1975.

C’est en 1990, que nous assistons à un tournant dans les relations algéro-marocaines avec l’acceptation par le Maroc de la tenue d’un référendum posant la question de l’autodétermination du peuple sahraoui. La suite, on la connaît, avec le choix du statut quo, d’une diplomatie d’atmosphère et le renvoi au purgatoire de l’idée d’un référendum.

Quarante-sept ans plus tard, quel est le bilan ? Les Nations Unies ont une fois encore failli. C’est aux pays maghrébins, seuls, d’engager la paix dans cette région.

Eu égard à son histoire décoloniale, nous comprenons que l’Algérie puisse soutenir les mouvements de libération, et notamment sahraoui depuis 1963, mais il faut dorénavant accepter que la question du Sahara occidental puisse susciter, de la part du peuple frère marocain, une vexation suscitant un sentiment national lorsqu’il est question de son indépendance. L’impasse qui consiste à regarder l’Algérie avec un prisme marocain et à regarder le Maroc avec un prisme algérien, ne mène nulle part sauf à un âge de glaciation diplomatique.

Une fois ces faits établis, quelle issue pour une coopération stratégique pacifique amenant à l’accroissement du niveau de vie des populations du Maghreb ?

Pour un avenir engageant et une grande réconciliation algéro-marocaine

Pour cela, il faut proposer un statut effectif du Sahara occidental qui ne donne pas l’impression d’une véritable dépossession par le Royaume marocain et qui soit accepté par l’Algérie comme un gain pour les Sahraouis à disposer d’eux-mêmes.

Actuellement, le Maroc contrôle près de 80 % du Sahara occidental et propose un plan d’autonomie sous sa souveraineté, tandis que le Polisario réclame un référendum d’autodétermination ; entre les deux belligérants il y a une zone tampon où se trouve la MINURSO présente de part et d’autre de cette zone tampon. Le meilleur exemple pour une solution viable est la principauté des Asturies créée dans les années 80. Comme cette principauté espagnole, le Sahara occidental pourrait avoir un président élu par un conseil de gouvernement local tout en faisant le choix (librement) d’appartenir à la couronne chérifienne.

Le Maroc et l’Algérie pourraient accepter une principauté avec un fonctionnement autonome, tout en s’attachant à la couronne chérifienne, si elle le souhaite. Toutes les parties prenantes y gagneraient et une nouvelle page dans les relations algéro-marocaines s’ouvrirait dans une logique de coopération visant à la prospérité des populations. Nous savons qu’une nouvelle génération d’hommes politiques investissant l’avenir, et ne ressassant plus le passé, sera nécessaire pour travailler à cette grande réconciliation.

Le retour de la guerre en Europe démontre que le statut quo peut alimenter le pourrissement et in fine, générer la guerre entre deux pays frères. Ce sont les peuples maghrébins qui refusent la guerre et retiennent les belligérants. L’Europe ne pourrait supporter, tout à la fois, une guerre en méditerranée et une guerre en Ukraine.

Le pouvoir algérien doit revenir vers son centre de gravité : le non-alignement

Il n’est pas dans l’intérêt de l’Algérie de s’aligner sur les positions de la Russie et la Chine, au détriment d’autres pôles régionaux. La diplomatie algérienne est nourrie par cet adage : « lorsque le Centre est stable, l’univers le devient ». La Russie, si l’on analyse son positionnement géostratégique, discute autant avec l’Iran qu’avec Israël, autant avec la Turquie qu’avec l’Arménie et autant avec le Qatar qu’avec l’Arabie saoudite.

Lorsque l’Algérie rassure ses partenaires européens en garantissant la sécurité énergétique, la Russie n’a pas à considérer cet engagement comme hostile aux intérêts russes, les Etats n’ayant pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. La versatilité du pouvoir algérien illustrée par l’épisode espagnol, faisant de l’Algérie un pays alimentant « l’insécurité énergétique », dégrade son image de partenaire fiable vis-à-vis des autres nations. Elle ne doit pas sacrifier son voisinage proche européen et sa diplomatie méditerranéenne.

L’Algérie doit revenir vers son centre traditionnel, qui est le non-alignement. Sa diplomatie doit être rééquilibrée en mettant sur le même plan l’Occident en général, l’Europe en particulier, et l’alliance sino-russe.

Le pouvoir algérien, pour se régénérer, doit profiter de la formidable espérance qu’a suscité le mouvement pour la dignité et la prospérité (le Hirak). Ce mouvement pacifique, étrangement ignoré par le reste du monde, démontre l’extraordinaire résilience de la société civile algérienne.

Lire la suite

 

 

 

 

 

Source : Oumma (Le 30 juin2022)

 

Les opinions exprimées dans cette rubrique n’engagent que leurs auteurs. Elles ne reflètent en aucune manière la position de www.kassataya.com

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page