Volodymyr Zelensky tente d’arracher le soutien de l’Union africaine en faveur de l’Ukraine

Dépendant de Moscou et de Kiev pour les céréales, les dirigeants défendent leur neutralité.

Le Monde – C’est une allocution que l’Union africaine (UA) a repoussée le plus longtemps possible et qu’elle a tenu à garder discrète, presque secrète. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, s’est adressé à huis clos, lundi 20 juin, aux membres de l’organisation continentale en visioconférence depuis Kiev. « Enfin », diront certains.

Réclamée à plusieurs reprises par la présidence ukrainienne depuis avril et repoussée autant de fois par l’UA, l’organisation laborieuse de ce simple message vidéo illustre les difficiles liens entre Volodymyr Zelensky et les dirigeants du continent : le premier tentant de mobiliser l’Afrique derrière son pays dans la guerre avec la Russie, les seconds s’en tenant à une position neutre, aux contours flous.

Pour M. Zelensky, il s’agissait de défendre sa version du conflit et des responsabilités dans la crise alimentaire subie par le continent. « L’Afrique est l’otage de ceux qui ont commencé la guerre contre notre Etat », a-t-il déclaré, en référence à Moscou. Le niveau « injuste » des prix alimentaires « provoqué par la guerre russe (…) se fait douloureusement sentir sur tous les continents », a-t-il déploré.

 

Il s’est aussi lancé dans une offensive de charme. Après avoir rappelé la contribution de l’Ukraine aux missions de maintien de la paix en Afrique et les liens commerciaux qui l’unissent au continent, le président a annoncé la nomination prochaine d’un envoyé spécial pour l’Afrique et proposé l’organisation d’une « grande conférence politique et économique Ukraine-Afrique ».

« Projets irréalistes »

Le message de dix minutes de M. Zelensky n’a toutefois suscité que peu d’intérêt côté africain. « Des projets irréalistes qui n’ont provoqué aucune réaction ici », résume un diplomate africain qui a écouté le discours. Quatre chefs d’Etat seulement l’ont suivi en direct. Au même moment, sept leaders se réunissaient à Nairobi, au Kenya, pour parler de sécurité dans la région des Grands Lacs.

Organiser cette allocution était une manière symbolique pour l’UA de rééquilibrer une communication jusque-là essentiellement tournée vers la Russie. Début juin, le président en exercice de l’UA et président du Sénégal, Macky Sall, et le président de la commission de l’UA, Moussa Faki, s’étaient rendus à Sotchi pour rencontrer Vladimir Poutine. M. Sall y avait notamment critiqué les sanctions occidentales contre la Russie.

 

La tentative de Zelensky de solidariser le continent à la cause ukrainienne est presque vaine, estiment plusieurs sources diplomatiques au sein de l’UA. « Je ne sais pas quel geste il attend de notre part, mais notre priorité reste l’approvisionnement en céréales et en engrais », souligne un diplomate est-africain. Lors d’une récente visite à Paris, M. Sall a martelé le message. « Nous ne sommes pas vraiment dans le débat de qui a tort, qui a raison. Nous voulons simplement avoir accès aux céréales et aux fertilisants », a-t-il affirmé dans une interview au Monde.

 

Près de la moitié des pays africains dépendent des importations de blé de Russie et d’Ukraine. Quatorze d’entre eux reçoivent même de ces deux pays plus de la moitié de leur blé. En outre, les engrais viennent également à manquer, alors que la saison des pluies, et donc celle des semailles, a commencé.

« Fausse naïveté »

Dans ce contexte, le président de l’UA demande à l’Ukraine le déminage du port stratégique d’Odessa pour permettre le chargement des cargos de marchandises, estimant avoir eu des garanties de non-agression de la part de M. Poutine. « A propos d’Odessa, Macky Sall fait preuve d’une vraie fausse naïveté, juge Paul-Simon Handy, chercheur à l’Institute for Security Studies. Il prend pour argent comptant ce que dit Vladimir Poutine. »

En cas de déminage, Kiev craint une invasion russe par la mer Noire. Dans sa vidéo, Volodymyr Zelensky a présenté la solution du fret, rappelant que « la crise [alimentaire] a commencé le 24 février, lorsque la flotte russe a bloqué les ports ukrainiens ». « Aucun véritable outil n’a encore été trouvé pour s’assurer que la Russie n’attaque pas [les ports] à nouveau », a-t-il souligné.

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Source : Le Monde

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