Ce bleu azur directement appliqué sur un enduit de lissage en ciment grossièrement lissé. Ce toit en tôles ondulées, cette chaleur suffocante, ces mouches qui virevoltent, tournoient autour des infimes miettes de pain et s’agglutinent dans ce coin de chambre autour de la théière, des quatre verres à thé et du petit réchaud à gaz.
Cette vieille chèvre qui passe la tête par la porte entre-ouverte, attirée par ces fragments de papiers jonchant le sol, qui bêle comme pour dire bonjour.
Quelques matelas en mousse, une lampe torche, un paquet de biscuits secs, des briques de lait « Rose » complètent le tableau.
En s’approchant davantage, sous la lumière blafarde de la lampe tempête, on distingue les silhouettes de quatre garçons en pleine discussion autour d’un amoncellement de livres bien défraîchis rangés à même le sol, Monge, Bordas, Hachette, annales.
Epistémologie, poussée d’Archimède, espace vectoriel, le champ des possibles est ouvert dans toute sa complexité.
Peut-être que notre amie la chèvre aura un petit tuyau pour nous quant au sujet de philo ! Ces succulentes feuilles de thé gorgées d’eau sucrée et de menthe fraîche seront alors pour elle.
Peut-être que notre vieux poste radio annoncera le communiqué numéro un du comité du salut des élèves de la terminale C : « Voilà le sujet du bac… »
Peut-être que.
En attendant, les arguments et les contre-arguments s’enchaînent, les théorèmes et les formules aussi, encore et encore dans cette chambre bleue de la médina R à Nouakchott.
C’est sûr, il est pour nous ce précieux sésame.
Eh ! Oui, c’était notre manière de préparer le bac au sud du tropique du cancer, cette improbable co-location loin de l’agitation familiale dans ce coin oublié du cosmos des années 80.
Elbane Hamady
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