Zinédine Zidane au PSG ou le fantasme de l’entraîneur providentiel

Ces derniers jours, le nom de l’ancien joueur est évoqué avec insistance pour diriger le PSG. Peut-être parce que Zidane est perçu comme l’un des seuls à pouvoir asseoir son autorité dans le contexte parisien.

Le Monde – Zinédine Zidane n’est pas encore l’entraîneur du Paris-Saint-Germain. Le sera-t-il un jour ? Annoncé vendredi comme imminente par plusieurs médias français (Europe 1, RMC) et espagnols (El Mundo Deportivo), l’arrivée du champion de 1998 paraît moins d’actualité, ce lundi 13 juin. « Tous ces bruits qui circulent sont infondés », avait très vite réagi son agent historique, Alain Migliaccio, interrogé par L’Equipe.

Malgré ce démenti, la piste Zidane ne semble, pourtant, pas s’être complètement perdue dans le désert de la péninsule arabique. Au PSG, Qatar Sport Investments (QSI) a toujours fait et défait les carrières des entraîneurs. Luis Campos ne le découvre pas, mais à peine nommé conseiller sportif, le Portugais constate que « Doha » a ses raisons et ses envies que Paris ne peut tout à fait ignorer.

 

Rien de nouveau au soleil du PSG. Quand on prête à Campos l’envie de remplacer un Mauricio Pochettino plus que jamais sur le départ par Christophe Galtier (sous contrat avec Nice) avec lequel il a mené Lille au titre de champion de France en 2021, Doha et l’émir Al-Thani rêvent toujours d’un autre marseillais. La Castellane plutôt que les Caillols.

Entre l’émir et l’ancien numéro 10 des Bleus, la liaison est établie depuis longtemps. En 2005, Zidane décline poliment le pont d’or de celui qui n’est alors que prince héritier, pour finir sa carrière en pente douce dans l’un des clubs de Doha. Cinq ans plus tard, Zidane devient l’ambassadeur de la candidature du pays pour la Coupe du monde 2022.

Ce soutien ne passe pas inaperçu, sa rémunération non plus. Le New York Times évoque la somme de onze millions d’euros pour trois mois de travail. « On a parlé de dix, onze, douze, treize millions d’euros… Je vais le dire clairement : c’est n’importe quoi. Ce n’est pas le quart de ces sommes, assure l’intéressé dans un entretien à L’Equipe. J’ai touché beaucoup d’argent. Mais cet argent-là est redistribué par la Fondation Zidane. »

Autorité naturelle

Depuis, son nom est resté une sorte de fantasme du côté du PSG. Avec Pep Guardiola, le triple vainqueur de la Ligue des champions avec le Real Madrid serait perçu comme le seul capable de gérer un vestiaire de stars qu’on dit en autogestion et trop habitué à la câlinothérapie.

Ces derniers mois, le directeur sportif, Leonardo, a échoué à remettre de l’ordre et en a payé le prix avec son départ précipité le 22 mai (mais toujours pas officialisé). Pochettino, lui, semble avoir très vite renoncé à ses principes pour accepter un rôle d’accompagnateur, remis à cette place quand il a osé remplacer Lionel Messi au cours d’un match contre Lyon, en septembre 2021.

Pep Guardiola présente deux problèmes. Il est encore le manageur de Manchester City jusqu’en 2023 et passe pour un génie inflexible. Sur le papier, son dogmatisme paraît moins soluble avec le PSG des Mbappé, Neymar et Messi que le charisme naturel doublé d’un pragmatisme assumé de Zidane. Présenté comme proche de ses joueurs, le Français sait aussi trancher. A Madrid, il a écarté des Gareth Bale ou James Rodrigues, talents trop intermittents sacrifiés sur l’autel du collectif.

Mais le football d’aujourd’hui est ainsi fait. Les footballeurs ne sont plus aux ordres et c’est bien à l’entraîneur d’asseoir son autorité et de la conserver. Derrière l’image de taiseux, Zidane sait imposer ses choix en un regard et quelques mots. Il l’a montré au Real, sans doute le club où le siège de coach est le plus brûlant et éjectable (« C’est épuisant d’être entraîneur, et encore plus au Real Madrid », avouait d’ailleurs Zidane en 2018) . Mais à la Maison blanche, il était au moins chez lui. Il en connaissait toutes les pièces pour avoir été joueur, conseiller du président, adjoint ou encore entraîneur de l’équipe réserve.

La question de la cohabitation avec Campos

A bientôt 50 ans, le Zidane hors ce contexte madrilène reste une terra incognita. Guardiola a déjà réussi à greffer ses principes barcelonais au Bayern Munich et à Manchester City, « Zizou » est dans le fond un technicien assez neuf avec des débuts en 2014. Pourtant, on attend de lui qu’il soit un technicien thaumaturge, capable de soigner les écrouelles du PSG par un simple toucher, de rendre à Messi ses jambes de 20 ans et de donner l’envie à Neymar de se coucher de bonne heure.

Au-delà de la quête inachevée de la victoire en Ligue des champions, il en va aussi de l’image du club et donc de son propriétaire. A Doha, on se lasse de voir l’Europe rire sous cape des malheurs du PSG, de cette capacité à perdre des matchs imperdables, d’être perçu comme une institution trop faible.

L’arrivée de Luis Campos s’inscrit dans le récit du moment, celui de l’après-prolongation de contrat de Kylian Mbappé, d’un club enfin géré, remis au travail et sans passe-droit. Bref, une petite révolution. Campos n’a pas peur du rôle de mauvais flic. Interventionniste, il est attendu pour mettre de l’ordre et, bien sûr, faire parler ses talents de recruteur déjà observés à Monaco puis Lille.

Mais Campos aime travailler avec un entraîneur choisi par ses soins, quand Zidane, de son côté, exigerait d’avoir un vrai droit de regard sur le mercato. Faire venir le second risque déjà d’affaiblir l’autorité du premier. A moins que le Portugais n’ait été mis dans la boucle de longue date et aurait accepté cette prestigieuse cohabitation ? En attendant, le championnat de France est encore loin d’avoir retrouvé son « Zizou », vingt-six ans après ses adieux à Bordeaux lors de la réception du… PSG, le 11 mai 1996 (2-2).

Malgré ses attaches marseillaises, l’enfant de la Castellane n’a jamais tout à fait fermé la porte à un départ pour la capitale.Dans le football, on ne sait jamais.

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Alexandre Pedro

 

 

 

 

 

Source : Le Monde  (Le 13 juin 2022)

 

 

 

 

 

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