Après le naufrage d’une embarcation au large de la Libye, au cours duquel trente Guinéens ont péri, le journaliste Hammady Cherif Bah s’est interrogé sur ce qui, en 2021, a poussé 10 000 de ses compatriotes originaires de la ville de Mamou, à 250 kilomètres au nord-est de la capitale, Conakry, à tenter l’aventure vers l’Europe.
Il s’est rendu compte que la moitié de ceux qui partaient rentraient en Guinée sans même avoir atteint la Méditerranée. Alors il a voulu creuser les parcours de vie de ceux qu’on appelle les « retournés ». Il en a fait un documentaire de vingt-quatre minutes, coréalisé avec Jean-Pascal Bublex.
Hammady Cherif Bah, dont la voix off accompagne le film, esquisse le portrait de plusieurs de ces « retournés ». A Mamou, Hady et Ousmane racontent la mécanique de l’esclavage, de la torture et de la détention en Libye, mais aussi le retour au pays en parias. « Ceux qui ont échoué sont rejetés par leur famille », assure Ousmane. Les deux hommes tentent aujourd’hui de développer une exploitation agricole en périphérie de Mamou.
« La migration clandestine, une impasse »
A Conakry, Mariam décrit comment elle a été la proie d’un réseau d’exploitation sexuelle en Algérie, avant de vivre la « honte » du retour, rejetée par sa mère. Sa cousine explique, elle aussi, avoir tenté l’aventure dans l’espoir de gagner de l’argent, après que son mari l’a laissée seule avec leurs enfants et malgré les mises en garde de Mariam. Elle a pourtant vécu une expérience similaire en Algérie, avant de rentrer au pays au bout de trois mois.
En partageant leur expérience, tous essaient aujourd’hui de convaincre leurs semblables de ne pas tenter « l’aventure », sans grand succès. Si « la migration clandestine est une impasse », Hammady Cherif Bah essaie de faire la démonstration que, « contrairement aux idées reçues », ceux qui ont pu profiter d’une voie légale de migration pour étudier en Europe rentrent en majorité en Guinée pour y développer des activités.
Il suit, parmi eux, Mountaga Keita, un entrepreneur qui a essuyé près de dix refus de visa avant de pouvoir aller étudier en France. Il est aujourd’hui à la tête d’une start-up qui vend des solutions technologiques dans le secteur de la santé, et rêve de retenir des jeunes en leur offrant du travail. « On en veut seulement une goutte pour pouvoir les maintenir là », dit-il à propos des « milliards de dollars transférés de gauche à droite ».
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