Vu du Burkina Faso – Macky Sall en médiateur à Moscou, au nom de l’Afrique

C’est une mission de médiation qu’entreprend le président sénégalais ce jeudi 2 juin à Moscou. En sa qualité de président de l’Union africaine, Macky Sall entend plaider la paix mais également “la libération des stocks de céréales et de fertilisants dont le blocage affecte particulièrement les pays africains”, rapporte le journal burkinabé “Wakat Séra”.

Courrier international – Macky Sall s’envole pour la Russie avec, dans ses valises, l’arbre à palabres sous lequel les conflits sont réglés selon la pure tradition africaine. Avec à ses côtés, le président de la commission de l’Union africaine (UA) Moussa Faki Mahamat, le chef de l’État sénégalais et président en exercice de l’UA essaiera, au nom de l’Afrique, de partager les vertus de la paix, avec les voisins russes et ukrainiens engagés dans une guerre annoncée comme “éclair” mais qui, lancée depuis le 24 février, est en train de consommer son quatrième mois.

Mais plus elle dure, plus cette invasion de l’Ukraine par la Russie provoque jusqu’en Afrique une crise sans précédent dans des pays qui vivent au jour le jour et dépendent fortement des “France au revoir” [expression courante d’Afrique de l’Ouest qui décrit les produits d’occasion en provenance de France ou, par extension, d’Europe], le paquet dans lequel est emballé tout ce qui vient de l’Occident.

L’Afrique en première ligne de la faim

 

De plus, les conséquences de la crise, qui vont de la hausse vertigineuse du coût des hydrocarbures et des transports, du blé, exporté essentiellement des deux pays en conflit, à l’accès difficile aux engrais pour l’agriculture ne sont pas pour arranger une Afrique qui est donc très impactée par cette confrontation entre la Russie et l’Otan en terre ukrainienne.

Mais la position africaine ne penche pas, en tout cas pas ouvertement, pour une des deux nations belligérantes. “Nous voulons la paix, nous travaillons pour un cessez-le-feu”, a clairement déclaré le médiateur parti de Dakar au nom de l’Afrique.

Du reste, le Sénégal et d’autres pays africains ont, sans faux-fuyant, évité de voter pour les résolutions de l’ONU contre la Russie. Pourtant, en d’autres temps, ils auraient suivi, tête baissée, les anciens pays colonisateurs dans toutes les prises de sanction contre tout pays qui entreprendrait de rogner leur influence en Afrique ou ailleurs dans le monde. C’est même compte tenu des rapports de force en présence et de cette non-ingérence directe dans des problèmes occidento-occidentaux que le “faiseur de paix” qui quitte pour une fois l’Afrique dans le but de faire cesser un conflit en Europe n’a pas fermement coché Kiev à son programme de visites.

Porter la voix africaine à Moscou

 

D’ailleurs, Macky Sall, au nom de l’UA, avait-il seulement un autre choix que de faire porter la voix, pour ne pas dire les supplications, venue du continent noir pour l’arrêt de cette guerre que rien… n’arrête ? Surtout que cette invasion de l’Ukraine, rythmée par les bombardements incessants dont les échos résonnent en Afrique, a mis sous l’éteignoir les graves crises sécuritaire et humanitaire qui affectent le quotidien des Africains, et touche même le fond des marmites.

Mettre fin à cette guerre sera salutaire pour le monde entier, car cela limiterait non seulement la liste devenue sans fin des morts, mais aussi et surtout les souffrances des populations.

Questions : jusqu’où portera la voix de Macky Sall, donc de l’Afrique, alors que le maître du jeu, Vladimir Poutine, reste sourd à tous les appels et semble ne craindre aucune sanction, lui qui a, visiblement, bien préparé sa guerre ?

Et quelle sera l’action du médiateur africain en direction de l’Ukraine, dont la requête de son président, Volodymyr – ça rime étrangement avec Vladimir – Zelensky, de s’adresser à ses homologues africains n’a pas encore rencontré d’écho favorable auprès du patron de l’UA ? Refus diplomatique à l’heure où la Russie renforce progressivement son influence sur l’Afrique ou juste un souci de calendrier ?

En tout cas, quelle que soit l’issue de la mission de bons offices de Macky Sall pour mettre fin à la guerre en Ukraine, il est assez rare, pour ne pas dire inédit, que l’Afrique s’implique dans une médiation en Occident pour faire taire des armes. C’est plutôt l’inverse que les Africains voient en ingérence, quand cela ne les arrange pas !

Pourvu que le grand froid russe ne gèle pas les ardeurs du médiateur venu du pays du soleil et de la téranga [état d’esprit qui suppose l’hospitalité ou le partage, en wolof], la légendaire terre de l’hospitalité.

Source : Courrier international

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