En Allemagne aussi, des Africains venus d’Ukraine se plaignent de discrimination

 Info MigrantsDes centaines d’étudiants africains venus d’Ukraine se sont réfugiés en Allemagne après avoir fui l’invasion russe. Ils dénoncent un système d’accueil à deux vitesses et des privilèges accordés uniquement aux déplacés ukrainiens. Comme dans d’autres pays d’Europe, ils ne bénéficient pas des mêmes droits leur permettant de s’intégrer rapidement et de reprendre leurs études.

 

Il y a encore quelques mois, Chizzy* suivait des études d’économie à Kharkiv, dans l’est de l’Ukraine. Mais il a dû fuir le pays quand son université a été bombardée par l’armée russe.

En Ukraine, le Nigérian de 23 ans vivait dans une résidence universitaire de Kharkiv, avant que le bruit des bombes ne le réveille dans la nuit du 24 février. « Nous avons rejoint des personnes dans un abri anti-bombes en pensant que cela allait se calmer au bout d’une semaine. Dans mon école, j’ai assisté à l’explosion d’une bombe en direct. Le lendemain, j’ai quitté l’Ukraine », se souvient-il.

De nombreux étudiants africains disent avoir vécu de la discrimination lors de leur fuite d’Ukraine. Crédit : Picture alliance
De nombreux étudiants africains disent avoir vécu de la discrimination lors de leur fuite d’Ukraine. Crédit : Picture alliance

 

Chizzy fait partie des millions de déplacés victimes de la guerre en Ukraine. Mais, contrairement aux ressortissants ukrainiens, le jeune homme, à l’image des milliers d’étudiants africains ayant dû quitter le pays, a connu un parcours particulièrement tortueux. Son passeport ne représente pas un sésame ouvrant la voie à une prise en charge. En tant qu’étudiant étranger, il est exclu de la protection temporaire européenne accordée aux personnes ayant fui la guerre.

Pour sortir d’Ukraine, Chizzy a dû voyager durant cinq jours. Il a d’abord tenté d’entrer en Slovaquie, non sans mal. Lors de sa fuite en train, le jeune homme raconte avoir été prié avec d’autres étudiants non ukrainiens de descendre du train à la frontière slovaque. Il passe alors trois jours dans une gare slovaque, sans possibilité de prendre une douche et sans argent pour faire des courses. Durant cette période, il ne s’est nourri que de biscuits. « On passait notre temps à discuter, et les jours passaient sans que l’on ne s’en rende compte. Quand j’étais fatigué, je dormais simplement sur mes bagages. »

Les services d’immigration slovaques autorisent finalement le groupe à se diriger vers la Hongrie, où Chizzy passe une nouvelle nuit dans une gare avant de rejoindre l’Allemagne. « Les autorités frontalières ont fini par nous laisser passer. Nous leur avons dit que nous ne pouvions pas rester, que les Russes n’attaquaient pas seulement les bâtiment publics mais aussi les maisons de civils », explique-t-il.

 

« Je suis venu en Allemagne pour être en sécurité et pouvoir poursuivre mes études »

 

Désemparé, ne connaissant personne en Allemagne, il se présente avec d’autres Africains dans un centre pour réfugiés de Berlin. « Je n’ai personne ici, je n’ai aucun proche. Je suis juste venu en Allemagne pour être en sécurité et pour pouvoir poursuivre mes études », raconte l’étudiant.

Le groupe est hébergé dans un hall de la capitale pendant un mois, ouvert pour les Ukrainiens fuyant la guerre. Chizzy observe très vite une différence de traitement entre les déplacés ukrainiens et les étudiants étrangers. « Nous sommes restés un mois dans ce camp. Sans aucune communication, sans que l’on enregistre notre identité. Certains d’entre nous ont commencé à se plaindre de ne pas savoir ce qu’ils comptaient faire de nous. Personne ne s’est occupé de nous, on nous a juste donné à manger », assure-t-il.

Au bout d’un mois, Chizzy raconte que seuls les Ukrainiens du centre ont pu prendre place dans des bus pour être transférés vers d’autres villes d’Allemagne.

Quelques jours plus tard, lui et d’autres personnes originaires de pays africains ont finalement été transférés à Munich où Chizzy a passé un mois. Il est alors hébergé chez une famille allemande. Mais quelques semaines après avoir été enregistré, il reçoit une lettre des autorités lui demandant de quitter le pays. La raison : il n’est pas ukrainien. « La famille allemande qui m’hébergeait a lu la lettre et nous a expliqué qu’il s’agissait uniquement d’une lettre de menace, et qu’il ne fallait pas paniquer. »

Puis d’autres lettres de ce type sont arrivées. « Ils nous ont apporté une autre lettre qui disait que nous ne toucherons plus de prestations sociales parce que nous ne sommes pas ukrainiens », affirme Chizzy. « Les gens chez qui je logeais en ont eu assez et se sont mis en colère contre les autorités. Ils m’ont conseillé d’aller dans d’autres régions du pays, où le gouvernement local serait différent. C’est pourquoi j’ai quitté Munich pour Berlin. »

 

« Différences de traitement en fonction du passeport »

 

Dans la capitale, il est accueilli par une Allemande qui est « devenue une mère » pour lui. « Elle se soucie de moi et m’héberge. Je ne sais pas comment la remercier. »

Chizzy assure n’avoir perçu aucune aide de l’État pour l’instant. Ce sont les Allemands qui l’accueillent qui lui fournissent une chambre et payent ses repas.

Des milliers d’étudiants du Nigéria font partie des déplacés par la guerre en Ukraine. Crédit : Getty images
Des milliers d’étudiants du Nigéria font partie des déplacés par la guerre en Ukraine. Crédit : Getty images

 

Des groupes de déplacés africains, ainsi que des représentants du Conseil des réfugiés de Berlin et d’autres ONG, ont récemment organisé une manifestation devant le Sénat allemand, pour réclamer l’égalité des droits pour les ressortissants de pays tiers fuyant l’Ukraine et pour les autres réfugiés. Le site web du Conseil des réfugiés indique que les Ukrainiens en fuite bénéficient d’un accès rapide et moins bureaucratique aux permis de séjour, aux permis de travail et aux prestations sociales en Allemagne.

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*Le prénom a été modifié

Tobore Ovuorie 

Dw.com

Source : Info Migrants

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