Musique : ces sons africains qui ont percé grâce à TikTok

L’application chinoise offre aux artistes du continent un moyen efficace et plus accessible que le marketing traditionnel d’atteindre un public globalisé.

Le Monde – Depuis le succès phénoménal de la chanson Love Nwantiti (Ah Ah Ah), sortie en 2019, des millions de fans ont repris en chœur les paroles en igbo du chanteur nigérian CKay en featuring avec son compatriote Joeboy et la star ghanéenne Kuami Eugene. Le titre a été le morceau le plus « shazamé » dans le monde en 2021, est entré au Billboard Hot 100 américain et a engendré une flopée de remixes : en arabe et français par ElGrande Toto, en français par Franglish, en allemand par Frizzo, mais aussi en Espagne, en Afrique du Sud…

En octobre dernier, Ckay est devenu le premier artiste africain à atteindre 20 millions d’auditeurs par mois sur Spotify. Et son hit n’est pas un cas isolé. ​​Piki Piki Skirt, du Zambien Afunika, Sad Girlz Luv Money, de la Ghanéenne Amaarae, Woza, du DJ sud-africain Mr JazziQ, Touch It, du Ghanéen KiDi… Tous ont explosé les compteurs de vues en un temps record. Leur point commun ? TikTok. L’application chinoise de partage de vidéos est particulièrement adaptée au lancement de nouvelles tendances musicales.

 

 

Vous avez toujours en mémoire des refrains serinés tout un été à la radio ? Attendez d’avoir vu des centaines de vidéos de danse avec pour bande-son le même extrait d’une poignée de secondes. Car la viralité des phénomènes TikTok tient d’abord à cela : les vidéos sont courtes. La fenêtre d’attention du spectateur étant réduite (un petit mouvement de pouce suffit à passer à la vidéo suivante), il faut frapper vite et fort dans la rétine et les oreilles. Deux formats sont privilégiés : les chorégraphies apprises et répétées à l’infini, avec quelques variantes et plus ou moins de talent, et les mèmes, ces vidéos assorties d’une légende humoristique et jouant parfois avec les paroles de la chanson.

 

 

Le morceau Piki Piki Skirt est ainsi devenu célèbre pour ses hypnotisantes chorégraphies de twerks et ondulations de hanches, et Sad Girlz Luv Money pour ses paroles explicites : « I really like your body, I don’t know why you hide it » Touch It, lui, conjugue les deux : la première phrase du refrain, « Shut up and bend over ! » (tais-toi et penche-toi), est devenue iconique en même temps que le pas de dance associé (qu’on vous laisse le soin d’imaginer). Il suffit d’un rien – un enchaînement de notes obsédant, quelques paroles percutantes ou juste une interprétation particulièrement charismatique – pour que le son devienne viral.

 

 

« En fait, personne ne connaît véritablement le secret d’un hit TikTok », admet Nnamdi Okafor, responsable des services numériques et des partenariats chez Sony Music Entertainment Africa : « C’est un phénomène trop spontané, trop organique pour être théorisé ou anticipé. Parfois, un extrait va toucher les gens à un instant T, ces gens vont transmettre leur émotion en partageant leurs vidéos et la musique deviendra virale sans qu’on l’ait vu venir. »

 

Un algorithme opaque

 

La période des vidéoclips est-elle révolue ? Pendant l’âge d’or de MTV, le soft power américain dominait le marché. Désormais, les musiciens du monde entier doivent composer avec l’opaque algorithme de l’application chinoise.

« Dans le marketing traditionnel, on devait dépenser des fortunes pour être diffusé à la télévision, à la radio, pour être affiché dans les espaces publics, rappelle Nnamdi Okafor. Mais TikTok est gratuit ! » L’application a ringardisé le marketing à l’ancienne et démocratisé du même coup la diffusion musicale. Pour une poignée de dollars, tout aspirant artiste peut créer, produire et mettre en ligne ses morceaux… et attendre que l’algorithme fasse le reste.

 

« Même sans avoir accès aux arcanes de l’application, on sait que TikTok favorise les contenus de qualité, explique Nnamdi Okafor. Lorsque vous publiez une vidéo, elle est proposée à quelques utilisateurs choisis par l’algorithme. Si ceux-ci réagissent favorablement, en likant ou en partageant, alors elle est proposée à plus d’utilisateurs, et si ceux-ci réagissent favorablement à leur tour, elle peut vite devenir virale. Ce ne sont plus les labels qui fabriquent la popularité des artistes, ce sont les fans. »

Lire la suite

Source : Le Monde

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page