Présidentielle : La France à l’heure du choix

De nombreuses incertitudes planent sur le scrutin du 24 avril, au cours duquel le vote de rejet pèsera au moins autant que le vote de conviction.

Le Monde – Macron-Le Pen, épisode 2. Le duel qui se rejoue, dimanche 24 avril, entre les deux finalistes du scrutin de 2017 ne saurait être un simple remake. Tout d’abord parce qu’Emmanuel Macron, président sortant, n’est plus le candidat neuf qui avait fait irruption sur la scène politique cinq ans plus tôt en exaltant la promesse du renouveau. Il est aujourd’hui porteur d’un bilan, il a traversé les épreuves d’un quinquennat marqué par des crises successives et cristallisé sur sa personne bien des rancœurs et des ressentiments, quand ce ne sont pas des détestations.

Corollaire de ce climat éruptif, tandis que les candidates des deux partis qui se sont partagé le pouvoir pendant un demi-siècle subissaient un effondrement historique – à 4,78 % pour Valérie Pécresse, et 1,75 % pour Anne Hidalgo –, échouant pour la deuxième fois d’affilée à qualifier leurs formations pour le second tour, les votes protestataires réunissaient plus de 60 %. Enfin, quand, en 2017, Marine Le Pen recueillait 21,30 % des suffrages au premier tour, elle en a obtenu, cette fois, 23,15 %, 4,7 points derrière Emmanuel Macron (27,85 %). Cependant, les trois candidats d’extrême droite – Marine Le Pen, Eric Zemmour (7,07 %) et Nicolas Dupont-Aignan (2,06 %) – cumulent 32,3 %, un tiers des suffrages !

 

La combinaison de ces facteurs incite à penser que le résultat du 24 avril sera plus serré qu’il ne l’avait été en 2017, où M. Macron l’avait emporté par 66,1 % des suffrages contre 33,9 %. Le dernier sondage Ipsos-Sopra Steria pour Le Monde publié vendredi 22 avril, à l’avant-veille du second tour (réalisé sur un échantillon de 12 129 personnes inscrites sur les listes électorales et âgées de plus de 18 ans, dont 7 549 certaines d’aller voter et ayant exprimé une intention de vote), créditait M. Macron de 56,5 % d’intentions de vote et Mme Le Pen de 43,5 %.

 

Ruée sur les procurations

Le traditionnel débat de l’entre-deux-tours qui a opposé, mercredi 20 avril, les deux protagonistes n’a, semble-t-il, pas fait bouger les lignes dans de grandes proportions. Contrairement à celui de 2017, qui avait plombé la candidate d’extrême droite. Dès lors, dans un contexte où le « tout sauf Macron » rivalise, dans une fraction de l’électorat, avec le « tout sauf Le Pen », la participation au second tour du scrutin et les reports de voix revêtiront un enjeu majeur.

L’abstention, tout d’abord. Au premier tour, le pourcentage d’abstention (26,3 %) a été légèrement supérieur à celui du second tour de 2017 (25,4 %). Il pourrait, ce dimanche, franchir un nouveau sommet, sans atteindre cependant le pic de 31,1 % enregistré en 1969. D’autant plus que ce dimanche de second tour est aussi celui où les trois zones scolaires sont en période de congés de printemps.

Toutefois, le score recueilli par l’extrême droite au premier tour peut aussi inciter des électeurs qui ne s’étaient pas déplacés le 10 avril à se rendre aux urnes. C’est ce que laisserait penser la ruée sur les procurations observée ces derniers jours : plus de 600 000 enregistrées depuis le premier tour. En 2002, après le choc qu’avait constitué la qualification au second tour de Jean-Marie Le Pen, l’abstention avait chuté de huit points entre les deux tours de scrutin, passant de 28,4 % à 20,3 %. Le dernier sondage Ipsos-Sopra Steria donne un indice de participation estimé entre 71,5 % et 75,5 %.

Pour autant, cette participation se traduira-t-elle en bulletins se portant sur l’un ou l’autre des deux prétendants ? Rien n’est moins sûr. Dans les cortèges qui ont défilé samedi 16 avril, le « ni Le Pen ni Macron » était abondamment repris. Au second tour de 2017, plus de quatre millions de bulletins blancs ou nuls, soit 11,5 % des votants, avaient été décomptés : un record absolu dans l’histoire de la Ve République.

Qu’en sera-t-il, cette fois ? Si, ces derniers jours, les appels à faire barrage à l’extrême droite se sont multipliés, le choix offert au second tour ne soulève guère l’enthousiasme du côté des quelque 7,7 millions d’électeurs (21,95 %) qui se sont portés sur Jean-Luc Mélenchon au premier tour. Ou, plus largement, des 11,2 millions de suffrages réunis par les différentes composantes de la gauche sociale-démocrate, radicale, communiste, écologiste et de l’extrême gauche.

 

La position de LR ambiguë

Le moins que l’on puisse dire est que le représentant de La France insoumise n’a pas mis une ardeur démesurée à inciter ses partisans à se reporter sur le président sortant. Son appel à l’« intelligence collective » dissimule mal sa difficulté à dissocier les deux prétendants, jusqu’à juger « assez secondaire » de savoir qui, de M. Macron ou de Mme Le Pen, dirigerait l’exécutif dès lors que lui s’imposerait comme premier ministre à l’issue des législatives !

« Ne votez pas pour elle. Ne vous abstenez pas. Mais je comprends qu’on n’ait pas envie de voter pour lui », déclarait-il, le 19 avril, sur BFM-TV. La consultation organisée auprès de ses soutiens a donné, sur 215 292 suffrages exprimés, une majorité relative de 37,65 % en faveur d’un vote blanc ou nul, 33,4 % pour voter Macron et 28,9 % pour l’abstention. Le choix Le Pen n’était pas proposé. Selon le dernier sondage Ipsos-Sopra Steria, 41 % des électeurs de M. Mélenchon disaient vouloir voter Macron au second tour, 21 % Le Pen et 38 % n’exprimaient pas d’intention de vote.

 

La position du parti Les Républicains (LR) reste tout aussi ambiguë. « Aucune voix ne peut se porter sur Marine Le Pen », a arrêté le bureau politique, au lendemain du premier tour, sans toutefois formuler un appel à voter pour M. Macron. Une position même en retrait de celle formulée en 2017 après l’élimination de François Fillon, qui appelait à « voter contre Marine Le Pen ». « Les Républicains ne sont fongibles ni dans le macronisme ni dans le lepénisme », estime la motion adoptée, laissant aux électeurs de droite le choix de voter pour le président sortant, de voter blanc ou nul ou de s’abstenir.

« Notre famille politique est diverse », reconnaît le président de LR, Christian Jacob. Le non-choix apparaît ainsi comme la seule façon de maintenir la coexistence des différentes lignes en son sein, au moins jusqu’aux législatives. Selon Ipsos-Sopra Steria, la moitié des électeurs de Mme Pécresse au premier tour devrait se reporter sur M. Macron, tandis qu’un peu plus d’un sur cinq (22 %) irait sur Mme Le Pen.

Nouvelle tripartition du paysage politique

En 2017, avec 33,9 % des suffrages exprimés, la candidate d’extrême droite avait recueilli plus de 10,6 millions de voix, 5 millions de plus que son père en 2002. Jusqu’où peut-elle progresser ? M. Zemmour ainsi que M. Dupont-Aignan ont appelé à voter pour elle au second tour. Les reports de voix en sa faveur devraient être assez massifs.

Si la droite est tiraillée et travaillée par des courants divers, l’« union des droites » prônée par M. Zemmour ou Marion Maréchal, devenue vice-présidente exécutive du parti Reconquête !, n’est pas (encore ?) à l’ordre du jour. Dans l’entre-deux-tours, Mme Le Pen s’est efforcée de parler à l’électorat populaire, adressant des appels du pied appuyés à ce qu’elle appelle la « gauche patriote » ou la « gauche souverainiste ». Non sans créer quelques remous du côté de ceux qui ont quitté les rangs du Rassemblement national pour rallier M. Zemmour.

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Patrick Roger

 

 

 

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

 

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