Madagascar, place forte de la bande dessinée en Afrique

Roman graphique, heroic fantasy, science-fiction… Presque tous les genres de la BD sont représentés sur la Grande Ile, où la pratique de cet art remonte aux années 1960.

Le Monde  – Jean-Luc Schneider est un éditeur heureux. Présente au Festival d’Angoulême cette année avec une vingtaine de bandes dessinées, sa petite maison d’édition implantée à la Réunion, Des Bulles dans l’Océan (DBDO), sortira en 2023 deux beaux ouvrages d’auteurs malgaches. D’abord une adaptation en BD de Grand Frère, de l’écrivain français Mahir Guven, prix Goncourt 2018 du premier roman, par Eric Andriantsialonina, dit Dwa. Puis une vie d’Arthur Rimbaud que le dessinateur Liva tracera au stylo-bille sur du papier antemoro, typique de Madagascar, gratté au rasoir.

 

« Ce sont deux consécrations pour nous, se félicite Jean-Luc Schneider. Malgré la présence des auteurs malgaches dans les grands rendez-vous de la BD, les prescripteurs et les libraires ont encore du mal à nous considérer autrement que sous l’angle exotique et sympathique. » Avec L’Harmattan Afrique, DBDO est la seule maison d’édition à représenter des dessinateurs de la Grande Ile. Elle en compte pas moins de seize à son catalogue. « Des diamants bruts, avec une patte particulière. Ils n’ont pas été saturés de techniques et de références comme leurs pairs occidentaux, même si bien sûr ils ont aussi leurs propres modèles », souligne Jean-Luc Schneider, qui a ouvert la librairie Le Maki a bonne mine en 2018 à Antananarivo.

 

« Il y a eu un âge d’or dans les années 1980 »

 

Car Madagascar est l’une des rares places fortes du neuvième art en Afrique. Roman graphique, heroic fantasy, science-fiction… Presque tous les genres de la BD y sont représentés depuis la parution de la première bande dessinée sur papier, en 1961. Intitulée Ny Ombalahibemaso, elle racontait, sous la plume du prêtre écrivain Antoine de Padoue Rahajarizafy et du dessinateur Jean Ramamonjisoa, la vie du roi Andrianampoinimerina, qui a unifié la Grande Ile au début du XIXe siècle.

Depuis, les auteurs n’ont cessé de puiser dans l’histoire et le quotidien de leur pays. « On estime qu’il y a eu un essor, voire un âge d’or de la BD malgache dans les années 1980, avec l’ouverture du pays après la malgachisation et l’arrivée sur le marché des fumetti italiens [de petits fascicules à bas coût], analyse Christophe Cassiau-Haurie, co-auteur de Cinquante années de bande dessinée en Afrique francophone (L’Harmattan). Ça a beaucoup influencé les auteurs et leur a permis de produire des BD loin du canon classique franco-belge, dans des mini-albums peu coûteux pour le marché local. »

 

Le journal de bande dessinée humoristique Ngah, que les vendeurs de journaux à la criée distribuent encore aujourd’hui, est le seul grand rescapé de cette époque faste. « Il est plus compliqué de se procurer des bandes dessinées maintenant, admet Dwa. Quand j’étais petit, dans les années 1980, mes parents me ramenaient toujours des fanzines de la ville, qu’ils achetaient au kiosque en même temps que les journaux. Pendant la crise politique des années 1990, les kiosquiers ont commencé à louer ces fanzines, parce que c’était plus rentable que de les vendre. C’est ce qui a un peu tué le système. »

 

« On va pouvoir toucher plus de monde »

 

Particulièrement reconnu comme aquarelliste, Dwa est un autodidacte qui a étudié l’économie et travaillé au ministère des finances avant de se lancer dans la BD. Depuis son premier album, Mégacomplots à Tananarive, il a publié six ouvrages chez DBDO. « Au Festival d’Angoulême, la ministre de la culture Roselyne Bachelot est repartie avec ma nouvelle BD, Un gasy à Paris. Je crois qu’elle a bien aimé la couverture, où je fais figurer Notre-Dame-de-Paris », confie-t-il. Une réussite notable dans un pays où les aspirants bédéistes peinent à vivre de leur art du fait du manque de formations sur place et d’un accès à la publication compliqué.

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Source : Le Monde

 

 

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