Médias – En Algérie, “Liberté”, lâché par son principal actionnaire

Mauvaise nouvelle pour le paysage médiatique algérien, déjà en difficulté. Le quotidien indépendant “Liberté” va disparaître des kiosques dans deux jours. Créé il y a une trentaine d’années, le journal succombe à plusieurs années d’asphyxie financière et de pressions politiques.

Courrier international – Liberté, l’un des principaux quotidiens francophones indépendants en Algérie, disparaîtra le 6 avril prochain. Une décision prise par l’actionnaire majoritaire du journal, le capitaine d’industrie Issad Rebrab, qui souhaiterait ainsi “se retirer de la vie publique”, révèle le site Middle East Eye.

“Il est âgé, fatigué, et veut se retirer définitivement de la vie publique. Il a décidé de mettre de l’ordre dans ses affaires”, a expliqué à Middle East Eye un proche de la famille Rebrab, tout en affirmant que la décision avait été prise de longue date.

Cette fermeture annoncée a pourtant surpris la rédaction du journal francophone crée dans les années 1990. Pour l’équipe, cette décision inattendue “intervient au moment où le journal a engagé un train de mesures visant le redressement de la situation économique de l’entreprise”, peut-on lire dans un éditorial signé par la rédaction de Liberté.

Les signataires, regroupés sous le nom “collectif de Liberté”, estiment que “la société éditrice dispose de ressources financières suffisantes pour lui permettre de continuer à exister”. Ils affirment avoir demandé, sans succès, à s’entretenir avec Issad Rebrab, pour lui proposer des solutions.

Une certaine idée de l’Algérie

Frustré de la fin tragique de ce quotidien progressiste qui a eu son lot de martyrs pendant la décennie noire, dans les années 1990, le collectif de Liberté considère que la disparition du journal marque “la fin d’une certaine idée de l’Algérie”.

Plus de 80 intellectuels algériens, dont les écrivains Yasmina Khadra et Kamel Daoud, ont signé la pétition “Pour que vive Liberté”, dans laquelle ils expliquent que la disparition de ce titre “serait une immense perte pour le pluralisme médiatique, un coup dur pour les acquis démocratiques arrachés de haute lutte et de sacrifices. Une grande perte pour le pays.”

Souvent critique à l’égard du pouvoir, le quotidien était privé depuis déjà plusieurs années de la publicité étatique, l’une des principales sources de financement des médias en Algérie, explique Middle East Eye. Si Liberté avait toujours tenu le coup jusque-là, c’était justement grâce au soutien financier de l’homme d’affaires Issad Rebrab.

À 78 ans, le propriétaire du groupe Cevital, un géant de l’agroalimentaire dans le pays, s’apprêterait à céder la direction de ses affaires à l’un de ses fils. Après un passage par la case prison dans le cadre de la lutte contre la corruption entamée au lendemain de la chute du régime de Bouteflika en 2019, l’homme ferait l’objet de “blocages”, en Algérie, dans la réalisation de ses projets.

Le 27 juillet 2021, El Watan, un autre quotidien francophone indépendant, avait publié un éditorial pour expliquer que le journal, privé de publicité étatique, était “au bord de l’asphyxie” ; il dénonçait une “mise à mort programmée”. Pour survivre, le quotidien avait dû augmenter son prix de vente au public.

 

 

 

 

 

 

Source : Courrier international

 

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