RFI – Au Mali, plus de dix jours après le lancement d’une opération de grande envergure dans le village de Moura, cercle de Djenné, région de Mopti dans le centre du Mali, l’état-major général des armées donne enfin des détails et un bilan : plus de 200 jihadistes tués dans cette zone qui était totalement assiégée par les Forces armées maliennes (Fama) et leurs alliés russes.
Dans cette zone où le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), lié à Aqmi, est très actif, de nombreux humanitaires alertent depuis des jours sur de nombreuses exactions sur les civils.
Selon l’état-major des armées du Mali, cette opération a été le fruit de renseignements bien précis sur la tenue d’une rencontre entre plusieurs katibas, dans la zone de Moura. Menée conjointement par des forces au sol et des troupes aéroportées dont les forces spéciales, elle a été suivie « d’un nettoyage systématique de toute la zone » et a duré neuf jours.
Le bilan est lourd dans le camp ennemi. Selon ce communiqué, 203 terroristes auraient été éliminés et une cinquantaine d’autres interpellés. Deux cents motos ont également été saisies et brûlées. D’importantes quantités d’armes et de munitions ont aussi été récupérées. Par contre, le communiqué ne fait pas état de pertes au sein des Fama.
Depuis le début du siège de Moura, des ONG locales et internationales ont alerté sur des violences indiscriminées qui auraient fait de très nombreuses victimes civiles. Cette inquiétude semble d’ailleurs partagée par la Minusma qui se dit, dans un tweet, « très préoccupée par les allégations de violences survenues contre les civils » lors de ces affrontements. La mission de l’ONU au Mali assure qu’elle est « en concertation avec les autorités maliennes pour établir les faits et les circonstances » de ce qui s’est passé.
L’état-major général des armées maliennes s’est voulu rassurant dans son communiqué. Le respect des droits de l’homme et du droit international humanitaires « restent une priorité dans la conduite des opérations », assure-t-il, avant d’inviter la population à la retenue contre les « spéculations diffamatoires » à l’encontre des Fama.
Amnesty International conteste la version de l’armée
Mais Amnesty International qui a contacté des sources sur place dit tout le contraire. L’ONG s’inscrit en faux contre la version de l’état-major malien, en parlant de 150 à 500 victimes civiles au cours de long siège de Moura, selon des témoignages recueillis sur place. Ousmane Diallo, du bureau d’Amnesty International en Afrique de l’ouest, basé à Dakar, dénonce « une brutalité de l’armée malienne et des mercenaires du groupe Wagner ».
« L’armée malienne parle de 203 morts dans un rassemblement et de parle de combats alors que toutes les sources avec lesquelles nous avons pu discuter nous disent qu’il n’y a pas eu de combat, explique-t-il. Il y a eu une attaque par hélicoptère le jour de la foire. Le siège sur le village a duré plus de cinq jours au cours duquel l’armée malienne a investi le village, fouillé les maisons, aurait exécuté plusieurs civils et forcé quelque uns des forains qui étaient à Moura à creuser des tombes afin d’enterrer ou de brûler toutes les personnes qui ont été tuées dans le cadre de ces opérations ».
Source : RFI (Le 02 avril 2022)