Gilbert Houngbo, premier Africain élu directeur général de l’Organisation internationale du travail

T AfriqueL’ex-premier ministre togolais figurait parmi les favoris. Son élection vendredi a été plus aisée que prévu. A la tête de l’OIT, il entend pousser à l’universalisation de la protection sociale des travailleurs dans un monde où l’économie informelle reste considérable.

Ce fut la bataille des premières. La première femme à la tête de l’Organisation internationale du travail, ou le premier Africain? C’est le Togolais Gilbert Houngbo qui l’a emporté et qui dirigera l’OIT pour ces cinq prochaines années. Il va succéder au Britannique Guy Ryder en octobre prochain.

L’élection a mis aux prises cinq candidats, l’ex-premier ministre togolais et actuel président du Fonds international de développement agricole (FIDA), l’ex-ministre du Travail française Muriel Pénicaud, l’ex-ministre des Affaires étrangères sud-coréenne Kang Kyung-wha, Mthunzi Mdwaba, vice-président sud-africain de l’Organisation internationale des employeurs et l’Australien Greg Vines, actuel directeur général adjoint de l’organisation.

Géopolitique du moment

Il n’aura finalement fallu que deux tours pour élire le nouveau patron d’une organisation qui pèse au sein de la Genève internationale. Elle a célébré son centenaire en 2019. Au premier tour, le Togolais était déjà en tête avec 24 voix, devant Muriel Pénicaud (14), Mthunzi Mdwaba (13), Kang Kyung-wha (4) et Greg Vines (1). Au second tour, le Togolais a obtenu 30 votes, dépassant ainsi la majorité absolue de 29 suffrages. Muriel Pénicaud a glané 23 votes, Mthunzi Mdwaba 1 vote et Kang Kyung-wha 2 votes. La candidate malheureuse de la France a réagi sur Twitter: «Je félicite Gilbert Houngbo pour son élection à la tête de l’OIT, premier Africain à ce poste, à un moment clé où les enjeux de justice sociale, du futur du travail et du multilatéralisme vont être plus importants que jamais.»

Le vote du Conseil d’administration de l’OIT, composé de 56 membres dont 28 représentent les Etats, 14 les employeurs et 14 les travailleurs, restera secret. Mais deux dynamiques semblent avoir joué un rôle dans cette élection. La première est liée à la géographie. Beaucoup avaient le sentiment que c’était le tour de l’Afrique et ce facteur a davantage pesé que la question de genre. La seconde tient au profil du candidat. L’OIT n’a jamais élu à sa tête un représentant des employeurs. Le candidat clairement soutenu par les employeurs était le Sud-Africain Mthunzi Mdwaba. Mais Muriel Pénicaud avait aussi une base de soutien chez eux. Cela n’a pas suffi. La géopolitique voire même une logique Nord-Sud ont fait pencher la balance.

Le vainqueur, Gilbert Houngbo, livre sa réaction au Temps à l’issue du vote: «Je suis très content. Rien n’était acquis, les cinq candidats avaient tous leurs propres mérites.» Quant à savoir ce qui a fait la différence, le Togolais esquisse une explication: «J’ai œuvré dans un gouvernement, dans le système onusien et le secteur privé. Je suis finalement très centriste. Et vu la géopolitique actuelle, je crois qu’une majorité d’Etats ont jugé bon de choisir un rassembleur et je crois répondre à ce critère.» Il pense que son mandat actuel de président du FIDA a joué en sa faveur, car les gens «pouvaient me juger sur du concret».

Gilbert Houngbo incarne de fait l’esprit du tripartisme, une caractéristique unique au sein des organisations internationales. Cette quête d’équilibre se retrouve dans ses propos: «Une entreprise ne peut prospérer que s’il y a une cohésion sociale. L’employeur a donc besoin de respecter les droits des travailleurs. Mais les syndicats doivent aussi réaliser que la création d’emplois vient du secteur privé. Il n’y a pas lieu d’opposer capital à travail.»

 

Protection sociale universelle

 

L’ex-premier ministre togolais n’en fait pas mystère. Il a obtenu un soutien massif du groupe des travailleurs au sein de l’OIT. «Ils ont vu que mon projet pour l’OIT est proche de leur sensibilité.» A ceux qui craignent que le futur directeur général ne soit pas suffisamment indépendant en vertu des votes dont il a bénéficié, il répond: «Si chaque directeur général doit rendre des comptes aux Etats qui ont voté pour lui, aucun DG n’est indépendant. Personnellement, je m’impose de travailler avec professionnalisme et impartialité, de garder les canaux de communication ouverts en permanence. C’est le devoir d’un directeur général de créer un minimum de confiance entre les parties.»

 

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Stéphane Bussard

Source : T Afrique (Suisse) – Le 25 mars 2022

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