De jeunes Américains mettent en scène leur démission sur TikTok

Ces derniers mois, aux Etats-Unis, TikTok, YouTube et Reddit ont vu se multiplier les vidéos de jeunes employés annonçant leur départ de l’entreprise. Au risque de rebuter de futurs employeurs.

Le Monde – Quand l’employeur de Gigi Gonzalez, Northern Trust Asset Management, lui a dit de revenir au bureau, la conseillère financière a décidé de démissionner. Et elle a utilisé le micro de TikTok pour informer ses followers. « J’ai besoin de quitter la roue du hamster pour me concentrer sur moi-même, a-t-elle expliqué. Je vous le raconte, pas pour frimer, mais pour vous montrer que c’est possible. »

La jeune femme de 32 ans a quitté sa ville californienne de San Diego. Le coût de la vie y était trop cher. Elle s’est installée à Phoenix, dans l’Arizona, puis à Chicago (Illinois). Elle a fait des économies, remboursé ses dettes et est devenue une influenceuse à plein temps. Au début, Mme Gonzalez comptait 135 followers. Mais elle fait dorénavant l’éducation financière de 180 000 jeunes amateurs sur les réseaux sociaux. « Vous pensez à prendre votre première carte de crédit ? », demande-t-elle sur une vidéo, en dansant sur une musique indienne. Et d’énoncer ses premiers conseils : « Déposez un peu d’argent sur la carte, refusez les commissions annuelles… »

Mme Gonzalez s’inscrit dans la tendance des démissionnaires en masse. Aux Etats-Unis, 4,5 millions de personnes ont quitté leur emploi en novembre 2021, et presque autant, 4,3 millions, en décembre. Un certain nombre d’entre eux, jeunes et souvent en début de carrière, mettent en scène leur départ sur TikTok, YouTube, Reddit… et amassent les fans. Leurs vidéos, réunies sous le hashtag #quitmyjob et #iquitmyjob (« jedémissionne »), ont été vues par plus de 280 millions d’internautes. Chez les chasseurs de têtes, ils suscitent colère, surprise, interrogations… et parfois un brin d’admiration pour leur créativité.

« C’est la catastrophe assurée, s’emporte Jessica Schaeffer, la vice-présidente chargée du marketing de Lasalle Network, un expert en recrutement de Chicago. Les carrières sont longues et les mémoires aussi, poursuit-elle. Le monde est très petit. Vous pourriez bien, d’ici quinze ans, avoir affaire à quelqu’un qui connaît votre ancien employeur. » Et bien sûr, il jettera votre CV à la poubelle. Pour Mme Schaeffer, ces vidéastes « manquent de maturité. Ils ne savent pas comment quitter correctement un emploi, en avertissant à l’avance leur employeur ».

« Ecoutez-les »

Steven Rothberg, le fondateur de College Recruiter, se veut plus nuancé. Les millions de vues sur TikTok ne l’impressionnent guère. « Les followers vont regarder les vidéos pendant quelques jours puis ce sera fini, assure-t-il. Il y a très peu de chances qu’un employeur potentiel les voie. » Et même si c’est le cas, « so what ? », lâche-t-il. « Le jeune demandeur d’emploi dans l’hôtellerie, la restauration, la construction… a dû répondre à vingt, trente offres. Il finira bien par trouver. » C’est, en tout cas, ce qui est arrivé à Montez Braxton, un employé de McDonald’s qui s’est filmé, pendant sa pause. « Je n’y retourne pas, a-t-il dit, ça craint. » Il a retrouvé un poste de chauffeur chez Amazon.

« Le rapport de force est en leur faveur, insiste Zing Shaw, responsable de l’inclusion et de la diversité chez le recruteur ZRG. Ces employés recherchent un employeur juste, qui tient ses promesses. Et pendant la pandémie, ils ont appris à s’exprimer directement sur Zoom ou les réseaux sociaux. »

 

« Ecoutez-les, conseille Johnathan Nightingale, fondateur du groupe Raw Signal, au Canada, en s’adressant aux entreprises que les jeunes quittent. Ne vous cherchez pas d’excuse pas en disant “c’est la génération Z. Ils ne savent pas ce qu’est le travail.” Essayez plutôt de comprendre les erreurs de l’encadrement. Ces employés avaient envie de réussir. Ils ont essayé de s’exprimer en interne. On ne les a pas entendus. Ils sont frustrés et fatigués. »

C’est ce que dit Gabrielle Ianniello, 28 ans, une ancienne coordinatrice en marketing de Brookfield Asset Management. « J’étais nouvelle dans ce métier, j’espérais que ma manageuse me conseillerait. En fait, elle me faisait concurrence, elle me cachait des informations et mes collègues ne me respectaient pas. » Mme Ianniello s’est retrouvée en pleurs à la gare Penn Station de New York. Mieux valait tirer sa révérence.

Un hobby devenu gagne-pain

Chloé, une ex de TikTok, raconte en détail le même genre d’« ambiance toxique » sur un autre média, YouTube. « Je ne voyais pas de progression de carrière, on me refusait une hausse de salaire et je travaillais tellement tard que j’en avais des troubles du sommeil. La vie est trop courte, cela n’en vaut pas la peine », conclut-elle.

Mme Shaw compatit. « Si j’ai un poste à pourvoir, je n’exclurai pas ces jeunes de mes recherches, avoue-t-elle. A condition qu’ils ne dénigrent pas publiquement leur ancien employeur. » Un tabou que Mme Gonzalez a bien compris. « C’est la pandémie qui m’a changée », explique-t-elle. Son employeur, qui la payait plutôt bien, n’y est pour rien. Elle a d’ailleurs parlé deux fois avec son ex-patron, depuis son départ.

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Source : Le Monde

 

 

 

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