Enquête – Des écoles internationales aux prises avec le racisme

Courrier Expat Chaque jour, deux nouvelles écoles internationales se créent dans le monde et la demande est forte en professeurs prêts à s’expatrier. Mais pour pouvoir enseigner dans les plus réputés de ces établissements, il faut de préférence être blanc, rapporte Bloomberg.

Depuis vingt ans, le nombre d’écoles internationales a été multiplié par cinq : on en compte actuellement près de 13 000 dans le monde. Quant au nombre d’élèves, il a littéralement bondi : ils seraient aujourd’hui 6 millions à être inscrits dans ces établissements. “Presque tous les pays du monde abritent au moins une école internationale. À elle seule, une ville comme Dubaï en compte trois cents”, relève la journaliste Natalie Obiko Pearson sur le site de Bloomberg. Les frais de scolarité facturés par les écoles internationales privées représenteraient un magot de 53 milliards de dollars.

Quant au recrutement des professeurs, il a jusqu’à présent été régi par une règle d’or, souligne la journaliste : plus l’école est élitiste, moins la diversité est respectée au sein du personnel.

C’est un secret de polichinelle depuis des décennies : les parents – et donc les écoles – exigent que les enseignants et les responsables de l’école soient des Blancs.”

Une éducation à l’occidentale

Les écoles internationales étaient jadis réservées aux enfants de diplomates et de cadres expatriés. Mais aujourd’hui, dans les pays asiatiques comme au Moyen-Orient, où ces écoles se sont multipliées, environ 80 % des élèves sont des locaux. Une éducation à l’occidentale est considérée comme un gage de réussite sociale et partout dans le monde des parents veulent assurer à leurs enfants ce type d’éducation, explique Natalie Obiko Pearson.

Conséquence : un système de classement est apparu qui répartit les écoles internationales selon trois niveaux “sans rapport direct avec les résultats scolaires”. Au niveau 1, celles qui ont une majorité d’enseignants occidentaux “anglophones natifs” – une école internationale se doit de garantir que les élèves parleront couramment anglais, mais cette mention cache le plus souvent un critère à caractère raciste : les “anglophones natifs” doivent être blancs. Ces établissements doivent être accrédités par un organisme occidental et accueillir un pourcentage minimum d’élèves locaux. “Ces écoles sont les préférées des diplomates, des banquiers et des cadres dont les employeurs paient les frais de scolarité.” Au niveau 2, des établissements un peu moins onéreux, qui comptent un peu plus de locaux parmi le personnel enseignant. Au niveau 3, les écoles internationales qui s’adressent principalement à un public local.

Un tel classement n’a rien d’officiel, mais il est suffisamment reconnu pour que les consultants en relocalisation s’y réfèrent et que les écoles le mentionnent sur leur site web.”

Les recruteurs spécialisés se sont adaptés à la demande. Le site de l’Américain Teaching Nomad, l’un des acteurs importants du secteur, propose par exemple des centaines d’offres d’emploi aux enseignants prêts à s’expatrier, du Panama au Vietnam. Mais les candidats ignorent souvent qu’ils sont classés en deux catégories : les Blancs et les autres.

Les annonces diffusées par les écoles sont d’ailleurs parfois très explicites quant au type de candidats recherchés. “‘Blanc uniquement’, lit-on dans une récente annonce pour une école internationale située en Chine. Une école saoudienne recherche pour sa part un(e) enseignant(e) ‘impérativement né(e) aux États-Unis, peau claire, cheveux blonds’.”

Des critères de recrutement contestés

La journaliste commente :

Aux États-Unis, de telles pratiques seraient illégales. Mais à l’étranger, les lois sur la discrimination ne sont pas les mêmes, leur application peut être plus ou moins rigoureuse et le secteur scolaire privé peut échapper à toutes les réglementations.”

Des pratiques de plus en plus contestées depuis des années un peu partout dans le monde, à la fois par les élèves (ou anciens élèves) et par les enseignants. “Des témoignages à la première personne sur les discriminations raciales observées dans des écoles internationales situées sur tous les continents se sont multipliés, suscitant un mouvement appelant ces établissements à en finir avec des préjugés centrés sur l’Occident.”

Mises sous pression, écoles et agences de recrutement commencent en fait tout juste à réagir. Le cas de l’École Internationale de Genève, connue aussi sous le nom d’Ecolint, est symptomatique. Fondée au lendemain de la Première Guerre mondiale par des fonctionnaires de la Société des Nations et de l’Organisation internationale du travail, l’école est à l’origine de la création du baccalauréat international censé “faciliter la mobilité géographique et culturelle des étudiants et promouvoir la compréhension internationale”. Elle accueille aujourd’hui sur ses trois campus des élèves venus de 140 pays.

“La promotion de la diversité fait partie de l’ADN de l’école”, selon l’un de ses directeurs adjoints. Pourtant une enquête menée en 2020 par un groupe de parents a révélé que sur 352 enseignants travaillant sur deux des trois campus de l’école, 95 % étaient des Blancs – et seulement deux professeurs étaient noirs. Un déséquilibre qui n’a pas été sans conséquences, notamment une certaine réticence de la part des responsables de l’école à reconnaître et à sanctionner les comportements racistes. Au point qu’en 2019 des parents ont décidé de se regrouper pour pousser l’Ecolint affronter enfin le problème.

Depuis, le processus de recrutement a été modifié. Pour chaque offre d’emploi publiée, un panel suffisamment diversifié de candidats doit impérativement être constitué. Si ce n’est pas le cas, le processus est gelé le temps nécessaire. L’école a également mis en place un programme de formation des enseignants qui offre des bourses aux candidats appartenant aux groupes sous-représentés et un contrat de deux ans au terme de la formation.

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Bloomberg.com – New York

 

 

 

 

Source : Courrier Expat (Le 18 mars 2022)

 

 

 

 

 

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