Au Sénégal, l’armée lance une opération militaire contre la rébellion casamançaise

La mort de quatre soldats sénégalais il y a deux mois avait décidé Dakar à réagir pour mettre fin à la plus vieille rébellion d’Afrique, de plus en plus affaiblie.

Le Monde – Depuis dimanche 13 mars, des dizaines de familles sénégalaises fuient leur village dans le nord de la Casamance, région du sud du Sénégal, pour traverser la frontière et se réfugier en Gambie voisine. Toutes ont fui une opération de l’armée sénégalaise lancée pour « démanteler les bases de la faction Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) de Salif Sadio » et « préserver l’intégrité du territoire national », selon le communiqué du ministère de la défense. La Casamance est le théâtre d’un des plus anciens conflits du continent : depuis quarante ans, des rebelles indépendantistes armés ayant pris le maquis font face à l’Etat sénégalais.

La communauté catholique Sant’Egidio, investie dans la médiation entre les deux parties depuis des années, a rapidement appelé à « arrêter les affrontements pour reprendre le processus de négociation » et « à la fin des opérations militaires en cours conduites par l’armée sénégalaise afin qu’il soit possible de sauvegarder la stabilité de la zone concernée et de garder ouverte la voie du dialogue ». « Il n’y a pas un jour sans combat, constate pourtant Angelo Romano, membre du bureau des relations internationales de Sant’Egidio. Ces opérations ont bloqué la négociation, il n’y a que la voie des armes depuis lundi dernier. »

 

La zone n’avait pas connu de confrontation armée aussi violente depuis 2012, quand Salif Sadio, l’un des chefs rebelles historiques, avait déclaré un cessez-le-feu unilatéral. Dans un communiqué, le porte-parole du gouvernement gambien s’est inquiété que « plusieurs communautés et villages (…) ont entendu des bruits de tirs nourris tandis que des informations ont fait état d’obus atterrissant dans des villages frontaliers gambiens ».

En une semaine, l’Agence nationale gambienne de gestion des catastrophes (NDMA) a recensé 6 350 personnes fuyant les violences, dont 4 508 déplacés, le reste étant des familles sénégalaises qui ont repassé la frontière. Ce chiffre risque d’augmenter car l’agence a dû stopper les enregistrements face à « l’intensité des combats qui rendait la sécurité trop volatile », indique Binta Sey Jadama, coordinatrice régionale de la côte ouest de la NDMA. Les réfugiés sont pour le moment accueillis au sein de villages gambiens, avec l’aide de la Croix-Rouge, dans des conditions parfois difficiles. « Ils sont accueillis dans des régions rurales qui sont déjà pauvres », décrit Mme Jadama.

 

« Redéploiement militaire »

 

Cette poussée de fièvre intervient deux mois après des affrontements meurtriers qui avaient coûté la vie à quatre soldats sénégalais membres de la mission militaire ouest-africaine Ecomig en Gambie. Sept autres avaient été kidnappés avant d’être libérés le 14 février. « Il fallait s’attendre à une réaction de l’armée sénégalaise, analyse Jean-Claude Marut, chercheur associé au laboratoire Les Afriques dans le monde (LAM) et spécialiste de ce conflit.

Selon l’expert, l’opération s’inscrit également dans un contexte d’affaiblissement militaire et politique de la rébellion qui a perdu les soutiens de la Gambie et de la Guinée-Bissau. « Depuis le départ du président gambien Yahya Jammeh en 2017, qui était un protecteur de Salif Sadio, les positions du MFDC étaient encerclées et privées de bases arrière et d’approvisionnement en armes. L’armée sénégalaise était prête. Cet accrochage lui a fourni une occasion de lancer une opération », poursuit-il. Il y a un an, les militaires avaient annoncé avoir pris trois « bases » des rebelles dans le sud de la Casamance, avec le soutien de la Guinée-Bissau voisine.

L’opération militaire en cours pourrait être un tournant dans le conflit, « dans la mesure où Salif Sadio représente l’élément le plus radical et le plus déterminé de la rébellion », estime M. Marut. L’issue de ces affrontements asymétriques entre « quelques centaines de combattants du côté de Salif Sadio » et l’armée sénégalaise qui compte « autour de 5 000 hommes bien armés, équipés et entraînés » déterminera l’avenir du conflit, poursuit le chercheur. Même si, jusqu’à maintenant, cette disproportion des forces n’a jamais permis à l’armée d’éliminer des rebelles qui continuent d’évoluer dans la dense forêt de la région enclavée de la Casamance, maintenant un conflit armé de faible intensité.

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Source : Le Monde

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