Une cour de justice indienne valide l’interdiction du port du hijab à l’école

La décision prise dans l’Etat du Karnataka intervient alors que la situation des musulmans en Inde, la plus forte minorité religieuse du pays, ne cesse de se dégrader

Le Monde – L’affaire a pris plus de temps qu’à l’accoutumée. Après onze jours d’audience et plusieurs semaines de délibération, la Haute Cour du Karnataka a rendu, mardi 15 mars, sa décision sur le port du hijab à l’école, et il est peu probable que celle-ci apaise le climat. Saisi par des jeunes filles musulmanes de cet Etat du sud de l’Inde qui contestaient la décision brutale de leur établissement scolaire de leur interdire le port du foulard et l’accès au cours, le tribunal a rejeté leur demande. Les magistrats ont estimé que le hijab ne constitue pas « une pratique religieuse essentielle dans la foi islamique ». Les requérantes ont dénoncé « l’injustice » de la décision et décidé de saisir la Cour suprême, la plus haute juridiction du pays.

L’arrêt consolide la décision du gouvernement du Karnataka, qui avait autorisé, le 5 février, les collèges et les lycées à interdire le hijab « dans l’intérêt de l’ordre public, de l’unité et de l’intégrité du pays ». A l’appui de leur interdiction, les établissements scolaires avaient fait état d’un règlement scolaire imposant un code vestimentaire aux élèves, ce que les familles musulmanes avaient contesté. Les juges, au contraire, assurent que le règlement a pour objectif de « créer un environnement sûr, (…) où les idéaux d’égalitarisme doivent être facilement perceptibles par tous les élèves ».

 

La polémique avait débuté à Udupi, fin 2021, puis avait gagné d’autres districts du Karnataka. Le parti au pouvoir en Inde, le Bharatiya Janata Party (BJP), et les militants du Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), une organisation ultranationaliste très présente dans la région, avaient soutenu l’interdiction et attisé les tensions, en espérant en tirer les dividendes électoraux au moment où cinq Etats indiens, dont l’Uttar Pradesh, le plus important, étaient appelés aux urnes pour renouveler leur assemblée régionale. Des manifestations et contre-manifestations avaient opposé, durant des semaines, hindous et musulmans.

Pour défendre ses positions, le BJP avait fait le parallèle avec la laïcité française et l’interdiction en France du voile à l’école. Mais le sécularisme indien est fort différent de la laïcité française. Dans le premier cas, il s’agit de faire vivre les religions ensemble, dans le second de privilégier la neutralité de l’espace public. Depuis l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi, l’imbrication du religieux et du pouvoir politique s’est accentuée. Le premier ministre indien se livre régulièrement à des rituels et cérémonies hindous. L’Inde est un pays de moins en moins laïque.

Citoyens de seconde zone

L’affaire du voile n’a pas surgi par hasard au Karnataka. Cet Etat est l’un des laboratoires de l’hindutva, une idéologie suprémaciste qui prône la supériorité des hindous. Les minorités religieuses, musulmans et chrétiens, sont ciblées à travers des lois spécifiques, comme la loi anticonversion ou celle interdisant l’abattage des vaches.

 

Pour Sreedeep, sociologue, auteur d’une tribune publiée sur le site d’information indépendant Scroll, la décision de la Haute Cour du Karnataka constitue « une nouvelle extension de la politique majoritaire de l’Inde, une stratégie agressive visant à affirmer que le mode de vie hindou est supérieur et à l’imposer aux autres. L’homogénéisation des pluralités religieuses est un élément essentiel du projet hindutva ».

La situation des musulmans d’Inde, qui représentent 14 % de la population, soit environ 200 millions de personnes, ne cesse de se dégrader depuis l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi, en 2014, et plus encore depuis sa réélection, en 2019. Toutes les décisions majeures prises par le gouvernement visent à faire de cette minorité des citoyens de seconde zone : la fin de l’autonomie du Cachemire – seul Etat indien à majorité musulmane –, la construction du temple de Ram à Ayodhya à la place d’une mosquée détruite par les hindous, la loi sur la citoyenneté, déniant aux musulmans les mêmes droits que les autres religions. Les Etats gouvernés par le BJP ne sont pas en reste et ajoutent, eux aussi, des législations stigmatisantes.

Lire la suite

 

 

 

 

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page