Le Monde – Le destin de Francis Diébédo Kéré va-t-il inspirer un film hollywoodien ? Alors qu’à 56 ans ce Burkinabé de naissance, berlinois d’adoption, devient le 45e architecte à recevoir le prix Pritzker, la question se pose. Né dans le village de Gando où il n’y avait pas d’école lorsqu’il était enfant, il est envoyé par son père, le chef du village, l’année de ses 7 ans, à 20 kilomètres de chez lui pour apprendre à lire et à écrire.
Autant dire au bout du monde. Malheureux de son sort, il l’est d’autant plus que la salle de classe où il passe ses journées est une fournaise : cette construction en béton sommaire, mal ventilée, mal éclairée, où les enfants, trop nombreux, sont serrés comme des sardines, va nourrir chez lui une obsession qui le guidera tout au long de ses années de formation : il veut offrir aux enfants de Gando une école digne de ce nom.
Cette école, c’est le premier projet qu’il met en œuvre une fois devenu architecte, en 2001, l’origine d’une œuvre tendue par le désir de faire des bâtiments agréables à vivre, qui respirent autant qu’ils inspirent. Il lui vaudra, en 2004, de recevoir le prestigieux prix de l’Aga Khan qui lui offre, d’entrée de jeu, une place sur la carte mondiale de l’architecture. En 2021, le magazine du New York Times inscrit son travail dans une liste des vingt-cinq projets architecturaux les plus influents depuis la seconde guerre mondiale.
Recherche de fraîcheur
Comment faire une architecture contemporaine qui soit belle et bonne dans un pays aussi pauvre que le Burkina Faso ? Cette question va inspirer à Kéré des manières bien spécifiques de travailler, combinaison de procédés empruntés à l’architecture occidentale et de savoir-faire traditionnels, recours aux matériaux locaux, chantiers participatifs… La recherche de fraîcheur en ligne de mire, l’architecte développe une grammaire faite de doubles toitures, de percement de façade, de cours ombragées… Les ballets d’ombre et de lumière qui en résultent s’accordent avec les jeux de couleurs, les textiles, et les matériaux pour produire une poésie aride et sensuelle.
Dans le texte rédigé pour la remise du prix Pritzker, le jury a déclaré : « Francis Diébédo Kéré sait, au plus profond de lui-même, que l’architecture n’est pas affaire d’objet mais d’objectif, pas de produit mais de processus. Son œuvre tout entière exalte la puissance des matériaux ancrés localement. Ses bâtiments, faits pour et avec les communautés, appartiennent intégralement à ces communautés – dans leur fabrication, dans les matériaux employés, dans leurs programmes et leur caractère unique. »
Si Francis Diébédo Kéré n’a pas construit qu’en Afrique, l’activité qu’il a déployée en deux décennies sur le continent a eu un effet d’entraînement remarquable, que ce soit par l’action qu’elle a engendrée ou par les bâtiments eux-mêmes, qui sont majoritairement des écoles, des institutions culturelles, des bâtiments étatiques – il réalise actuellement le nouveau parlement du Bénin.
Source : Le Monde
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