Analyse – Entre le Mali et la France, un divorce dans la douleur

  Courrier internationalLe départ des troupes françaises du Mali, annoncé par Emmanuel Macron le 17 février, est une “demi-surprise” pour le journal burkinabé L’Observateur Paalga : les relations de plus en plus détestables entre Paris et Bamako laissaient présager ce dénouement.

Et ce qui devait arriver arriva ! Le président Emmanuel Macron a annoncé le départ de la force Barkhane du territoire malien. Une demi-surprise, tellement la relation entre Paris et Bamako était devenue tendue, avec une atmosphère irrespirable dont le pic de pollution a été l’expulsion de l’ambassadeur de France accrédité au Mali le 31 janvier.

Comment en est-on arrivé à ce divorce qui fait grand bruit et interroge, au-delà du cas malien, la relation France-Afrique, et subséquemment celle des pays africains avec ceux de l’Union européenne ? À cause des insuccès dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, les autorités maliennes accusant la force Barkhane de ne pas en faire assez contre les groupes armés assaillants. Pire, les Français sont soupçonnés de pactiser avec les forces du mal, empêchant les forces armées maliennes de se déployer à leur aise sur l’ensemble du territoire. Les autorités françaises, elles, accusent le pouvoir de Bamako “d’illégitimité et d’irresponsabilité” à cause d’un partenariat supposé avec le sulfureux groupe Wagner et surtout à cause de sa volonté de prolonger, plus que de raison, la période de Transition.

 

Francophobie ambiante

 

Ce divorce annoncé entre Paris et Bamako est on ne peut plus symptomatique de la francophobie ambiante en Afrique qui prend prétexte de tout pour ruer dans les brancards d’une relation France-Afrique déséquilibrée avec, par endroits, des accents exécrables de néocolonialisme.

Pourtant, en neuf ans de présence militaire française au Mali, Paris a payé cher sa dette de sang avec la perte de 53 soldats et une facture journalière de 1 milliard de FCFA [1,5 million d’euros], sans oublier le matériel détruit. En effet, la force Barkhane est allée régulièrement au contact de l’ennemi terroriste par des patrouilles ou des frappes ciblées qui lui ont permis de mettre hors d’état de nuire deux grosses têtes pensantes du djihadisme au Sahel : Abdelmalek Droukdel en juin 2020 et Adnan Abou Walid Al-Sahraoui, un an plus tard. Insuffisants, disent les contempteurs de la France au Sahel, d’autant plus qu’un certain Iyad Ag Ghali [chef de guerre touareg djihadiste malien] court toujours.

En vérité, Bamako avait placé trop haut la barre de ses attentes vis-à-vis de la France dans cette guerre contre les terroristes, encouragé par cette dernière qui s’était montrée exagérément optimiste après les succès de l’opération Serval en 2013. On se souvient, comme si c’était hier, de François Hollande, accueilli en héros place de l’Indépendance par une foule de Bamakois en liesse, leur affirmant tout de go, le 2 février 2013 : “Nous avons gagné cette guerre.”

 

Barkhane, l’arroseur arrosé

 

Hélas, la suite des événements donna tort à François Hollande ! En véritable hydre, les groupes terroristes poussèrent rapidement tels des tentacules au point de déborder le territoire malien et de s’étendre au Burkina et au Niger. Ils travaillent maintenant à s’ouvrir des couloirs, du Sahel au golfe de Guinée. Les attaques quasi quotidiennes dans l’un ou l’autre pays du G5 Sahel, les meurtres, les incendies, les enlèvements, les vols et les déplacements des populations qui vont avec ont vite fait d’occulter les chants de victoire de 2013. Pire, ils ont fait des forces Barkhane l’arroseur arrosé, le pompier accusé de pyromanie, l’allié devenu l’envahisseur. Dès lors, entre Paris et Bamako, les effusions de joie, de sentiments amicaux et fraternels ont viré aux invectives verbales outrageantes.

C’est vrai que de 2013 à 2022 il y a eu des changements d’hommes et de politiques aussi bien au Mali qu’en France. Le pouvoir d’Assimi Goïta [à la tête du Mali depuis mai 2021] est la résultante de deux coups d’État dont la principale raison justificatrice est la mauvaise gestion des questions sécuritaires. C’est en prospectant un nouveau partenariat pour donner un second souffle à la lutte contre les groupes terroristes que les nouvelles autorités maliennes ont mis le feu aux poudres dans les relations entre Paris et Bamako en s’acoquinant avec la société privée de sécurité russe Wagner. Le coq gaulois est alors tout de suite monté sur ses ergots, en dénonçant cette liaison dangereuse avec l’ourson russe. Et Bamako d’insister sur ses droits souverains de collaborer avec qui il veut, non sans véhémence. La suite, on la connaît, en lieu et place d’une réduction de la voilure de la force Barkhane, le coq gaulois quitte sa basse-cour malienne. Recule-t-il pour mieux revenir ?

 

Zéphirin Kpoda
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