En Algérie, une arnaque aux études à l’étranger fait scandale

Au moins 75 étudiants ont été trompés par une société qui leur promettait de les accompagner dans leurs études en Ukraine, en Russie ou en Turquie.

Le Monde – Attablé dans un café du centre-ville d’Alger, Amine*, 25 ans, fait défiler des photos sur son téléphone. « Là, c’est ce qu’on nous a promis », dit-il en montrant un logement avec des lits et des sanitaires propres. « Voilà ce qu’on a eu », poursuit le jeune homme, en désignant une chambre minuscule, des murs noircis de moisissures et une cuisine encrassée.

Le jeune homme fait partie des soixante-quinze victimes déjà identifiées par la police, qui ont été escroquées par une société algérienne qui promettait de les accompagner dans leurs études à l’étranger.

Une enquête, ouverte en décembre, a permis le démantèlement d’un « réseau criminel composé de douze individus dont quatre influenceurs » qui ont « recouru à la tromperie, aux mensonges et à des manœuvres frauduleuses » via une société fictive, a annoncé, jeudi 20 janvier, un procureur algérois. Ils sont poursuivis pour association de malfaiteurs, faux et usage de faux, vol, escroquerie, blanchiment d’argent et trafic d’êtres humains.

L’arnaque était bien huilée : la société qui a changé plusieurs fois d’appellation (Inside.com, Future Gate, Svit-Osviti…) promettait aux intéressés un pack incluant les formalités administratives et consulaires pour étudier dans une université turque, ukrainienne ou russe avec une prise en charge à l’aéroport et un logement. Sauf que des dizaines d’entre eux se sont retrouvés livrés à eux-mêmes à leur arrivée.

Des avances d’argent conséquentes

logement de fortune car la société n’avait pas payé les frais. Les avances déboursées par les victimes étaient pourtant conséquentes : entre 300 000 et 3 millions de dinars (entre 1 900 à 19 100 euros, au taux de change officiel), selon les témoignages.

En Algérie, où le transfert de fonds en espèce ou par voie bancaire reste soumis à une procédure très stricte, des étudiants accusent le responsable de la société incriminée de les avoir utilisés pour transporter des sommes vers l’étranger.

 

« Il a donné 1 500 euros à chacun des étudiants du groupe avec lequel je suis parti. On devait remettre l’argent à l’un de ses collaborateurs en Ukraine », explique Amine, qui s’est envolé vers l’Europe de l’Est en mars 2021 pour en revenir après huit mois de galère.

« Au total, j’ai dépensé 10 000 euros dans cette histoire, alors que le pack qui comprend le visa, l’inscription et le logement devait me coûter 600 000 dinars [quelque 3 800 euros] », précise ce licencié en droit qui dénonce des frais cachés.

Quatre influenceurs dans le collimateur

A court d’argent et à la rue dans un pays dont ils ne maîtrisaient pas la langue, certains étudiants ont pu compter sur le soutien financier de leurs proches pour se reloger et poursuivre leurs études, mais d’autres « ont dû travailler au noir, sont tombés dans des trafics ou la prostitution », confie à demi-mot Amine.

Les premières victimes de l’arnaque ont pourtant tenté de rendre l’affaire publique. Certaines ont créé des groupes sur Facebook dès mars 2021 et contacté la presse sans que l’affaire ne fasse grand bruit. « Le responsable de l’agence menaçait ceux qui osaient se plaindre de ne pas leur rendre leur papier ou de les faire expulser. Ils payaient aussi des personnes pour les mettre en scène dans des vidéos promotionnelles qu’il publiait ensuite sur Internet », précise un autre étudiant qui souhaite conserver l’anonymat.

 

Le jeune entrepreneur, qui est aujourd’hui sous mandat de dépôt, avait fait appel à des influenceurs pour promouvoir ses services. Quatre d’entre eux, qui totalisent un peu plus de 16 millions d’abonnés sur Instagram, ont été pris dans le tourbillon judiciaire. Ines Abdelli, une star des réseaux sociaux âgée de 16 ans, est sous contrôle judiciaire, tandis que la chanteuse Numidia Lezoul et les instagrameurs Farouk Boudjemline (Rifka) et Mohamed Aberkane (Stanley) sont en détention provisoire depuis le 20 janvier.

Une partie de l’opinion dénonce « l’humiliation publique » infligée à ces influenceurs, une violation du secret de l’instruction et une atteinte à la présomption d’innocence après la diffusion de leur audition par des chaînes de télévision alors que l’enquête est toujours en cours. Dans ces extraits, Farouk Boudjemline et Mohamed Aberkane expliquent comment ils ont été contactés par la société ainsi que le cachet touché pour la promouvoir, mais se défendent d’avoir été au courant de l’arnaque.

C’est seulement après la diffusion de la campagne publicitaire sur Instagram à laquelle il participait sur les réseaux sociaux, en novembre 2021, que Mohamed Aberkane dit avoir été prévenu par des étudiants. « Il a reconnu avoir fait une erreur et a tout de suite contacté plusieurs victimes. Il voulait utiliser l’argent touché pour les aider financièrement », explique Amine qui se dit solidaire avec lui.

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*Le prénom a été modifié à la demande de la personne interrogée

Source : Le Monde

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