La guerre contre les livres bat son plein aux États-Unis

Ici Radio Canada – Tandis qu’un conseil scolaire du Tennessee vient d’interdire Maus, un roman graphique sur l’Holocauste, de plus en plus d’États, pour la plupart républicains, et d’autorité locales veulent contrôler davantage ce qui est disponible dans les écoles et dans les bibliothèques. Cette culture du bannissement a le vent en poupe pour « redonner, disent-ils, le contrôle de l’éducation aux parents ».

Lors de la récente campagne électorale pour pourvoir le poste de gouverneur de la Virginie, le républicain Glenn Youngkin, qui était en difficulté dans les sondages à quelques mois du déclenchement des élections, s’était trouvé un thème porteur : laisser aux parents leur droit de regard sur ce qui est enseigné dans les écoles.

Glenn Youngkin lors de son assermentation comme gouverneur de la Virginie.

Le gouverneur républicain de la Virginie, Glenn Youngkin, a fait campagne sur l’idée selon laquelle il faut laisser aux parents leur droit de regard sur ce qui est enseigné dans les écoles.

Photo : Getty Images / Anna Moneymaker

 

Une idée louable, certes, mais qui peut prendre, selon certains, une tournure dangereuse lorsqu’elle vire à la censure et à la mise à l’index d’œuvres pourtant proposées pour faire réfléchir et, parfois, pour donner une autre vision sur certaines questions.

Un thème porteur

Ainsi, dans une de ses publicités partisanes, M. Youngkin donnait la parole à une citoyenne qui s’est longuement battue pour faire retirer des bibliothèques scolaires le livre Beloved de Toni Morrison, qui plonge le lecteur en plein cœur des réalités de l’esclavage.

La romancière Toni Morrison a reçu la médaille présidentielle de la Liberté des mains de Barack Obama le 29 novembre 2012 à Washington.

Toni Morrison a été la cible de la culture du bannissement en Virginie.

Photo : Getty Images / Alex Wong

 

Le pari de fédérer les parents autour de ce contrôle des œuvres littéraires a séduit puisque ce thème de campagne plutôt surprenant a finalement garanti en grande partie la victoire du candidat républicain pour le poste tant convoité en Virginie. Il y a donc là de quoi inspirer d’autres politiciens qui pensent que les démocrates endoctrinent les étudiants avec des idées de justice sociale et qu’il faut redonner ce contrôle aux parents coûte que coûte.

Quand un roman illustré sur l’Holocauste dérange

Le récent exemple de la décision d’un conseil scolaire d’Athens, au Tennessee, est éloquent. Maus, d’Art Spiegelman, dépeint la vie du père de l’auteur dans la Pologne occupée puis sa déportation à Auschwitz. Dans cette œuvre de 300 pages qui a remporté le prix Pulitzer il y a 30 ans, les nazis sont représentés en chats et les Juifs en souris (Maus, en allemand, signifie « souris »).

À cause de l’usage non nécessaire de jurons et de nudité [une case où la mère du dessinateur, qui s’est tranché les poignets, est nue], les membres de l’organisation ont voté à l’unanimité pour que ce livre soit retiré du programme d’études en art pour les élèves âgés de 13 et 14 ans.

Une personne lit Maus d'Art Spiegelman.

L’auteur Art Spiegelman a qualifié de déconcertante la décision du conseil scolaire du Tennessee à propos de son œuvre « Maus » et a affirmé y voir « un souffle d’autocratie et de fascisme ».

Photo : afp via getty images / MARO SIRANOSIAN

 

Nous ne croyons tout simplement pas que ce travail soit un texte approprié pour nos étudiants, a déclaré le conseil scolaire du comté de McMinn en ajoutant que sa décision reflète les valeurs de la communauté. Art Spiegelman, l’auteur, a qualifié cette décision de déconcertante et a dit y voir un souffle d’autocratie et de fascisme.

Le sexe dans les livres bientôt banni en Oklahoma?

Plus à l’ouest, Rob Stanbridge, un sénateur de l’État de l’Oklahoma, a récemment présenté un projet de loi qui interdirait aux bibliothèques scolaires de proposer des livres qui traitent de l’étude du sexe, des préférences sexuelles, de l’activité sexuelle, de la perversion sexuelle, des classifications basées sur le sexe, de l’identité sexuelle ou de l’identité de genre. Selon la loi proposée, ce sont encore une fois les parents qui seraient les seuls arbitres pour écarter les livres qui ne respectent pas les normes imposées.

Si jamais le livre banni n’était pas retiré de la bibliothèque dans les 30 jours, toujours selon le projet de loi, l’employé chargé de retirer le livre doit être licencié et ne peut pas être employé par un district scolaire public ou par une école à charte publique pendant deux ans. On peut également trouver dans ce projet de loi des dispositions qui prévoient des poursuites potentielles de la part de parents contre l’école, qui pourraient entraîner des dédommagements de 10 000 $ US par jour de retard pour retirer le livre en question.

Des rayons de bibliothèque.

Le pouvoir d’apprendre par les livres doit être mieux contrôlé, selon certains districts scolaires américains.

Photo : afp via getty images / JOSH EDELSON

Inconfort républicain chez les Texans aussi

Un district scolaire de San Antonio, au Texas, a retiré un peu plus de 400 livres des bibliothèques à la suite d’inquiétudes formulées par Matt Krause, un représentant républicain de l’État. Dans son document, il demande aux districts scolaires de repérer tout livre dans leurs bibliothèques qui pourrait amener les étudiants à ressentir de l’inconfort, de la culpabilité, de l’angoisse ou toute autre forme de détresse psychologique en raison de leur race ou de leur sexe.

Le ciblage proposé par le politicien de droite vise des centaines de livres dont la plupart sont écrits par des femmes, des personnes de couleur et des écrivains LGBTQ et traitent de sujets délicats tels que la grossesse chez les adolescentes et l’avortement.

Margaret Atwood interdite au Kansas?

Le district scolaire de Goddard, au Kansas, a retiré plus d’une vingtaine de livres de la circulation dans ses bibliothèques scolaires. Là encore, ce sont des œuvres bien connues comme The Handmaid’s Tale (La servante écarlate) de Margaret Atwood. La surintendante adjointe aux affaires éducatives de ce district scolaire a dit estimer que pour le moment, le district n’est pas en mesure de savoir si les livres contenus sur cette liste répondent ou non à nos objectifs éducatifs.

Une main prend un exemplaire du livre « The Handmaid's Tale » sur une tablette.

Le livre « La servante écarlate » de Margaret Atwood a été mis à l’index par un district scolaire du Kansas.

Photo : Getty Images / Bryan Bedder

 

L’opposition s’organise

Devant cette vague de contrôle redonné aux parents, comme le disent les protagonistes, des parents et des élèves s’organisent dans certains États comme la Pennsylvanie.

Devant la décision du district scolaire de Central York d’interdire une liste de livres antiracistes et qui comportaient des ressources éducatives sur des personnalités historiques afro-américaines comme Rosa Parks ou même Martin Luther King, de nombreuses protestations qui se sont étalées sur un an ont finalement porté fruit. L’organisation a annulé le bannissement, un exemple plutôt timide dans le contexte actuel.

La revanche de la droite ?

Alors que les déboulonnages de statues et les boycottages de voix détonnant avec le consensus dans certaines universités battaient encore leur plein récemment, constituant un mouvement d’opposition plutôt de gauche, c’est au tour de la droite de faire entendre sa voix.

Cette fois-ci, elle le fait dans ce qui influence et touche l’éducation des enfants américains. La tendance est telle que l’année dernière, le nombre de contestations et de demandes de retrait de livres par des parents et par d’autres groupes a atteint un record, selon l’American Library Association.

Lire la suite

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : Ici Radio Canada

 

 

 

 

 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

 

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page